PRÉSIDENTIELLE : CAMPAGNE ÉLECTORALE
DJABALLAH À CHLEF, RELIZANE ET TIARET
La «réconciliation nationale» et le reste
De notre envoyé spécial Samir SADOUN - Jeudi 25 Mars 2004 – Page : 4
La voix du «cheikh» devenait plus puissante à mesure que les animateurs d’un comité de soutien à Bouteflika augmentaient le volume de la musique.
Les jours se suivent et se ressemblent pour le candidat du MRN, M.Djaballah. Hier, au septième jour de la campagne, il s’est dirigé vers les wilayas de Chlef, Relizane et Tiaret.
A Chlef, où la campagne électorale est reléguée au second plan, les
milliers de supposés électeurs ont brillé par leur absence. La frénésie préélectorale ne s’est pas emparée d’une population ne sachant plus où donner de la tête. La ville, qui s’est à peine réveillée de son profond sommeil, s’est vue donc visitée par un cortège réclamant les voix de ses habitants en échange de la «réincarnation de l’espoir».
Lors de la courte escale qu’il a observée au niveau de la rue Emir-Abdelakder, Djaballah s’est adonné à un véritable procès de la politique économique du président-candidat, qualifiée de «gabegie». A coups de versets coraniques, il s’est assigné la tâche de rétablir l’équilibre socio-économique dans cette contrée où la misère est palpable.
Paradoxalement, la petite foule, qui s’y rassemblait, s’est plainte auprès des nombreux journalistes sur les lieux. «Parlez des événements de Sfax, j’y étais», nous demande un jeune d’une voix suppliante. Hormis cette halte, rien d’autre à signaler.
En route vers la wilaya de Relizane, notre chauffeur, connaissant bien la région, a anticipé l’ambiance qui y régnait : «Nous nous dirigeons vers les bas-fonds de la misère où la politique n’a pas droit de cité.» En effet, à Oued R’hiou, une commune distante de 50 km du chef-lieu de la wilaya, la vie y est très dure.
Au moment où Djaballah prenait le mégaphone pour discourir, une chaîne impressionnante s’est formée devant l’entrée de la banque locale la Badr. En un mot, l’âpreté de la vie quotidienne ne fait pas bon ménage avec la politique. De loin, un vieux enturbanné – nous reconnaissant – nous faisait signe qu’il est «abattu» par la «négligence de l’administration». Comprenant l’objet de cet abattement, le leader islamiste s’est montré plus islamiste que jamais. Il a tout mis sur le dos des «laïcs» qui «veulent faire du peuple algérien un peuple bâtard». La voix du «cheikh» devenait puissante à mesure que les animateurs d’un comité de soutien à Bouteflika augmentaient le volume de la musique.
«L’incident» a été pris comme exemple par l’orateur afin de persuader l’assistance – plus importante qu’à Chlef – de la «dépravation créée par le président-candidat». En montrant du doigt le siège dudit comité, il a pris les présents à témoin de découvrir de visu «la logique suicidaire» de celui qui a installé la commission Benzaghou pour «vous inciter à renier votre religion et votre langue» et «fouler aux pieds les recommandations saines de Ben Badis». En référence au Livre Saint, Djaballah a exhorté «tous les citoyens soucieux de l’avenir de notre nation à sanctionner par les urnes ces gens qui nous procurent le mépris et la dégradation». Atteignant le centre-ville de Relizane, le candidat du MRN a trouvé l’endroit plongé dans la torpeur de midi. Les rares passants pressaient le pas sans se montrer curieux de savoir l’objet de leurs visites. Hamid, la trentaine largement entamée, a tenu à résumer le sentiment général qui y règne.
«Cette histoire d’élection, tout le monde s’en fiche. Pour le moment, la priorité c’est de gagner son pain en comptant sur sa propre énergie.» Un aveu, qu’un membre du cortège de Djaballah, a interprété comme une sanction à l’encontre de Bouteflika qui a mené le peuple à se méfier de tout. Non loin de là, à la rue Sidi-Abdelkader, une dernière escale a eu lieu au siège d’un comité de soutien. La présence de certaines victimes du terrorisme a fait dire à Djaballah: «Je suis le premier à appeler à la réconciliation nationale. Et j’ai également dit à maintes reprises que la réconciliation que nous prônons ne doit pas toucher certains et en éliminer d’autres. Elle doit être générale», a-t-il martelé et il s’est refusé à un vocable très en vogue «dossier des victimes du terrorisme» pour préférer celui de «dossier des victimes de la tragédie nationale».
A Tiaret, Djaballah a fait le plein au niveau du cinéma Atlas où il a animé un meeting fortement acclamé par une foule en délire, l’orateur a émis le voeu que cette euphorie se prolonge au-delà du 8 avril.
Dans la localité de Oued El-Fodha, le président du MRN a été acueilli par des jets de pierres lancées par des dizaines de jeunes qui scandaient «vive Bouteflika».
13 juillet 2010
POLITIQUE