Amar Belkhodja qui fut longtemps le correspondant d’El Moudjahid à Tiaret et dans une bonne partie du sud ouest oranais semble réussir sa conversion en historien très prolifique. Il compte déjà une quinzaine d’ouvrages centrés sur des hommages à des hommes du mouvement national à l’image d’Ali El Hammami ou de l’artiste Ali Maachi. Ce dernier dont le jour de pendaison sur une place publique à Tiaret fut consacré journée de l’artiste était une des victimes de cette barbarie coloniale que Belkhodja s’échine à démonter les rouages.
«Colonialisme, les crimes impunis» relate une série de massacres aux quatre coins du pays. Il a notamment exhumé des pans de l’histoire de Tiaret sous l’occupation. Ce travail sur la mémoire locale est à bien des égards fondamental surtout dans une ville qui fut un foyer d’éveil nationaliste Il est à vrai dire un touche à tout puisqu’il a également édité un livre sur Momo et s’intéresse de prés à Kaid Ahmed.
Il était encore au Moudj quand son premier livre parut en 1990.
Il s’agissait de l’affaire Hamdani Adda, le nom d’un prisonnier brûlé vif par un commando de l’OAS le 12 janvier 1962. «Mon métier de journaliste m’a beaucoup aidé en développant ce goût pour l’investigation et la recherche et puis quand je faisais des reportages, je profitais en plus de mon travail de réunir des éléments d’information sur les sujets de mes livres ». Il y a sans doute cette volonté d’aller plus loin que ce que permet un reportage de commande.
Le journalisme était un avant-goût mais la recherche et l’écriture de livres permettaient de mieux développer le sujet. «L’espace d’un journal ne permet pas de dire tout ce qu’on a envie de dire alors que pour un portrait, tout parait important et rien ne doit être négligé ».
N’étant ni universitaire et de fait privé de soutien d’institutions, la carte de presse fut une sorte de sésame qui ouvrit bien des portes à ce grand admirateur de l’émir Abdelkader. D’ailleurs il a consacré un livre à l’émir et fait partie de la fondation qui porte son nom. Ce fut le cas quand il se rendit en Kabylie en 1987 ou il fouilla les mémoires sur la répression qui s’abattit sur les habitants de Sidi Ali Bouneb en Octobre 1949. En retraite depuis 1996, il a du temps pour investir ce qui depuis sa jeunesse était objet de curiosité pour lui. «Mon professeur à Oran dés qu’il s’agissait d’histoire me demandait de passer en m’affublant du surnom d’Ibn Khaldoun». Ce dernier ayant écrit une partie des prolégomènes du coté de Frenda suscitera peut être l’intérêt de Belkhodja qui mène un travail méritoire de vulgarisation sur l’héroïsme des Algériens face à une colonisation sauvage.
Amar qui a animé des émissions sur les ondes de Radio Tiaret est un retraité très actif et débordant de vitalité. Sa silhouette est désormais familière dans tous les colloques ou l’on traite des aspects du mouvement national ou des atrocités du colonialisme. Son travail de longue haleine est précieux. «Actuellement, je termine les portraits des journalistes Abdelkader Safir et de Halim Mokdad qui furent de grands reporters, un genre noble quelque peu négligé aujourd’hui au profit d’articles fast-food» nous dit-il.
Il s’intéresse aussi à la figure de Baya Hocine et à un événement qui a marqué l’Oranie dans les années 20, en l’occurrence une terrible famine. Sa grande satisfaction est de voir ses écrits devenir des références pour des historiens nationaux qu’étrangers. Son ambition est ne pas s’arrêter en si bon chemin. «Rien que l’histoire de la presse elle-même qui reste méconnue peut nous fournir beaucoup de pistes pour reconstituer notre mémoire et éloigner les dangers de l’amnésie».
Horizons
16 juillet 2010
Culture