À Tiaret ou ailleurs, à travers notre pays, les autorités continuent d’observer un mutisme inquiétant concernant le travail des mineurs. Pire encore, rien n’a jamais été fait pour enquêter sur la réalité vécue, quotidiennement, par les enfants, issus de milieux défavorisés. La pauvreté et la déscolarisation, notent de nombreux observateurs, sont bien pour quelque chose dans la prolifération de ce phénomène qui se perpétue sous des facettes beaucoup plus clandestines et sournoises
Ainsi, face aux affres de l’exploitation et son lot de persécutions, de nombreux chérubins sont livrés à eux-mêmes et passent leurs journées, à déambuler, contre vents et marées, en quête d’un petit boulot afin de subsister aux besoins de leurs familles, en attendant des jours meilleurs. Cependant,
les différentes apparences de cette infortune, aussi cruelles, les unes que les autres, sont émaillées de conditions de travail très écoeurantes. Les enfants, qui la subissent, victimes de l’incurie humaine, sont, pour la plupart, confrontés à un traitement inhumain pour une rémunération très modique par rapport au travail fourni. Agents d’entretien domestique, chez les particuliers, pour les filles, ou gardiens de troupeaux, vendeurs à la sauvette (pour le compte d’autrui), vendeurs de pain et… manutentionnaires dans les marchés, pour les garçons. Telles sont les principales activités octroyées à ces derniers, et dont s’enrichissent les autres adultes, jouissant d’un statut social plus confortable. Ces « hobereaux », peu ou pas du tout honnêtes, ce qui est loin d’être un secret de polichinelle, exploitent, de plus en plus, de gamins pour la simple raison que la main-d’oeuvre revient moins coûteuse et, ainsi, s’enrichir en se faisant des marges importantes sur le dos de l’innocence et du besoin imparable, de ces petites âmes moins gâtées par la vie. Faisant désormais partie du décor, ces malheureux se trouvent, parfois, bousculés ou carrément rapetissés pendant que leurs pairs, les plus chanceux, se trouvent sur les bancs de l’école. « Pour un gain mensuel de 2 000 dinars, je bosse quotidiennement, comme petite bonne, chez une riche famille de la ville, alors que mon petit frère Hamouda, à peine 9 ans, s’occupe, la journée durant, à vendre du pain, préparé à la maison par notre mère», affirmera la jeune Zoulikha, âgée de 14 ans, qui affiche une déception qui en dit long, tant elle ressent cette misère qui a fait d’elle et ses frères des victimes de l’analphabétisme. «Au lieu d’être à l’école, je me trouve errant, d’étal en étal, et d’un marché à l’autre, où je fais de la manutention de fruits et légumes contre quelques pièces de monnaie, parfois, assorties de mépris et de vulgarités », s’indigne, pour sa part, Laid, à peine 13 ans, qui nous explique que son père, seul actif pour une famille nombreuse, n’arrive pas à joindre les deux bouts. Au demeurant, l’existence de cette frange de la société est loin de ressembler à un conte de fées car, même dans les sagas médiévales, les plus abominables, la vie des enfants maltraités connaît un dénouement heureux. Or ces enfants, enrôlés malgré-eux dans la torsade démoniaque du crime organisé et de l’argent dit -facile-, finiront généralement, une fois adultes, à la rue. Prostituées, mendiants, vagabonds, mères célibataires démunies, petits délinquants ou criminels notoires à leur tour. Ou, au meilleur des cas, misérables et illettrés, besogneux, marqués à vie par les pires séquelles physiques et psychologiques d’un destin, peu enviable. Toutefois, nul ne peut nier un autre aléa majeur qui est synonyme de complicité parentale dans la traite des enfants : la mendicité infantile. En hiver ou en été, qu’il pleuve ou qu’il vente, qu’il fasse un froid de canard ou un soleil de plomb, des enfants, parfois même de très basâge, couchés sur le giron de leurs mères, sur des cartons ou de vieilles couvertures, assommés parfois, à coups de sirop bon marché et d’autres, debout à longueur de journée, devant le regard indifférent de leurs pères, mendient devant les feux rouges, dans les marchés, aux abords des mosquées et sur les trottoirs de la ville. Par ailleurs, il s’agit d’un constat amer qui interpelle les consciences pour une action continue et le travail collectif qui doit impliquer, outre les pouvoirs publics, la société civile en général, à savoir les travailleurs, les syndicats, les employeurs et les parents pour parer au pire. M. Zouaoui
Mercredi 28 Juillet 2010 – www.lecourrier-dalgerie.com – N°1948 – 7e année
25 septembre 2010
M. Zouaoui, Tiaret