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Enjeux et perspectives

3 janvier 2011

3.Non classé

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M. Hamid Aït Abderrahim, expert algéro-belge en électronucléaire «L’Algérie a toutes les compétences humaines pour développer l’électronucléaire» La solution du nucléaire en tant qu’alternative aux énergies fossiles dans la production de l’électricité connaît une fortune certaine dans les nouvelles politiques énergétiques. Outre ses enjeux économiques, l’énergie nucléaire, une fois optimisées les questions de la gestion des déchets et de la sécurité, est un moyen de faire face au phénomène du réchauffement planétaire NOOR : Le monde regarde aujourd’hui l’électronucléaire comme une des alternatives viables aux énergies fossiles. Il semble que l’heure, pour tous, soit à une mobilisation urgente pour préparer l’après-pétrole.

Quelles sont les raisons de ce regain d’intérêt ?

M. Hamid Aït Abderrahim : Il est évident qu’une technologie est opératoire quand elle arrive à satisfaire à plusieurs conditions. La première, et non des moindres, c’est qu’elle a effectivement atteint un niveau de développement et de performance réel. La seconde, non moins importante que la précédente, c’est qu’il y a des éléments nouveaux qui mettent ou remettent cette technologie au goût du jour. Ce qui est le cas, aujourd’hui, du nucléaire. Je m’explique : le nucléaire, pour la production de l’électricité, a été mis en oeuvre la première fois comme un sous-produit des réacteurs pour les sous-marins. En fait, cette technologie a été un produit destiné initialement à un usage militaire qui n’était pas celui de la bombe, mais du transport. Cela dit, l’investissement dans ce domaine a été tellement lourd que les concepteurs de cette technologie ont jugé nécessaire de le rentabiliser. C’est ainsi qu’on a retenu l’option d’exploiter le nucléaire dans l’application civile de la production de l’électricité. Après un certain temps d’utilisation de cette technologie dans le but avoué de son développement pour la production électrique, on s’est rendu compte de certaines contraintes majeures, à savoir une utilisation non rationnelle des ressources, car on n’utilise que 0,7% des ressources primaires, alors qu’on produit des déchets nucléaires dont la durée de vie et le haut niveau de radiotoxicité s’étendent sur des centaines de milliers d’années. Le premier développement massif du nucléaire a été déclenché par le choc pétrolier de 1973. Un nouveau besoin s’est alors manifesté qui devait faire du nucléaire l’alternative à une énergie classique devenant trop chère. Une technologie nouvelle a été mise en route, mais dans cette euphorie générale, il y a eu des accidents graves, un à Three Miles Islands, en Pennsylvanie, en 1979, et un autre, majeur, à Tchernobyl (Ukraine) en 1986. Tout d’un coup, le nucléaire est devenu peu attrayant pour le grand public, mais également pour les défenseurs de l’énergie fossile, car elle était redevenue dans cet intervalle, pas du tout chère, au point d’être à un prix (en dollar constant) en dessous des prix d’avant le choc pétrolier de 1973. Ce qui a contribué à mettre en sommeil la demande massive concernant l’énergie nucléaire. Aujourd’hui, la situation a évolué. Depuis l’an 2000, un intérêt pour le nucléaire se fait grandissant d’année en année, et l’on voit de par le monde de plus en plus de grands pays consommateurs d’énergie qui s’orientent vers une option stratégique de développement du nucléaire. Les pays de l’Est asiatique, le Japon, la Chine, l’Inde, la Thaïlande, l’Indonésie, les Corées du Sud et du Nord… sont d’ores et déjà engagés dans un programme nucléaire lourd et intense, alors que les pays qui étaient déjà nucléaires depuis les années 1950, en l’occurrence les Etats-Unis d’Amérique, qui n’ont plus construit de centrale nucléaire depuis 26 ans, déploient des fonds et fournissent des efforts très intenses pour impulser une dynamique de redéploiement nucléaire. Cela, non seulement à cause de l’augmentation des prix du pétrole, mais aussi à cause de la crise à venir, très probable, de l’approvisionnement en brut. Des pays comme la Norvège et la Grande-Bretagne arrivent à la fin de leurs ressources et la principale source de pétrole et de gaz, à savoir le Moyen-Orient, ne suffit pas ni n’est éternelle. A titre d’exemple, et pour le cas qui nous intéresse le plus : l’Algérie. Notre pays, en 2017, n’aura plus de pétrole, et au rythme d’exploitation du gaz, on risque de ne plus en avoir à l’horizon 2055 si de nouvelles découvertes ne sont pas faites d’ici là. C’est pour cela qu’aujourd’hui il y a un besoin de sécurité d’approvisionnement, sous-tendu par une crise énergétique annoncée. Cela, surtout qu’il y a de grands nouveaux consommateurs d’énergie, tels que la Chine, l’Inde et le Brésil. Ce qui a pour effet d’inquiéter les grands consommateurs traditionnels d’énergie qui se trouvent de fait concurrencés sur les ressources d’énergie fossiles. Bref, tout le monde est conscient – abstraction faite de toute tendance baissière circonstanciée – que la réalité du marché pétrolier aujourd’hui, c’est que le prix du baril ne cessera pas de grimper ou, du moins, ne connaîtra plus de baisse, car la demande est très grande et elle ira crescendo. Voilà ce qui justifie et explique aujourd’hui l’intérêt pour le nucléaire.

L’Europe voudrait réinstaller un débat rénové sur le nucléaire en vue d’un développement intensif de cette technologie pour concilier les soucis écologiques et économiques. Où en est aujourd’hui l’état d’avancement de la recherche nucléaire ? Sommesnous à un stade de maîtrise et d’optimisation de cette technologie, notamment pour l’aspect de sécurité du procédé et des installations ?

H. A. A. : Il y a deux chantiers en Europe qui sont actuellement engagés qui traduisent l’orientation nucléaire de l’Europe : une centrale en Finlande, soit un EPR de 1 700 Mégawatts électriques, et un autre en Normandie, en France, de même envergure. Ce qui anticipe d’ores et déjà sur le sort du débat qu’on tente de rouvrir sur le nucléaire, que ce soit en Belgique, en Allemagne ou en Suède. Par ailleurs, il faut savoir que la production de l’électricité par la méthode nucléaire est une industrie éprouvée et en pleine maturité. La technologie du réacteur à spectre thermique est utilisée au Canada, aux Etats-Unis, en Europe, au Japon, en Inde… à une échelle industrielle depuis une cinquantaine d’années. Sur les réacteurs que nous avons aujourd’hui, les recherches qui se font depuis une dizaine d’années déjà sont surtout orientées vers la recherche de performance économique. Le nucléaire est la source d’énergie qui produit de l’électricité au plus bas prix. En Belgique, le kiloWatt/heure nucléaire est produit à 3 eurocents, celui gazier à 7 eurocents et celui du pétrole à 10 eurocents. Le nucléaire est donc deux fois plus intéressant, et c’est d’autant plus attrayant pour un industriel producteur d’électricité lorsqu’on sait que le prix de l’électricité est indexé au prix du pétrole. Ce qui est tout aussi intéressant à faire comme développement en termes de recherche, c’est d’arriver à prolonger la durée de vie d’une centrale nucléaire qui est essentiellement dictée par l’état de fragilisation de la cuve du réacteur. A titre d’exemple, vous pouvez tout remplacer dans une voiture quand elle vieillit, mais pas le châssis. La cuve du réacteur est ce châssis. Aujourd’hui, on estime cette durée de vie à 60 ans, mais la licence d’exploitation se donne des marges de sûreté et on n’accorde, à ce titre, que 30 à 40 ans. Mais il est clair que si on démontre que les cuves peuvent tenir, dans des conditions optimales de sécurité, 60 ans, on aura gagné 20 ans de fonctionnement.

Produit Kg/tonneNL Composition Isotopique (%)U
U 935 238U/(99%) 235U/(1%)
Pu 12 238Pu/(3.5%) 239Pu/(51.9%) 240Pu/(23.8%) 241Pu/(12.9%) 242Pu/(7.9%)
NP 0.72 237Np/(100%)
Am 0.66 241Am/(58.3%) 243Am/(41.7%)
Cm 0.11 242Cm/(8.8%) 244Cm/(91.2%)
Produits Dont 3.44 kg de PF à longue demi-vie : 99Tc : 1.2 kg;
de Fission
50.7
93Zr : 1.05 kg; 135Cs : 0.59 kg; 107Pd : 0.34 kg; 129I : 0.26 kg
Quantités de déchets hautement radioactifs produits par tonne de combustible UO2 irradiés dans un réacteur à eau
pressurisée jusqu’à un taux de combustion de 50 GWd/tonne de noyaux lourds Normandie, en France, de même envergure. Ce qui anticipe d’ores et déjà sur le sort du débat qu’on tente de rouvrir sur le nucléaire, que ce soit en Belgique, en Allemagne ou en Suède. Par ailleurs, il faut savoir que la production de l’électricité par la méthode nucléaire est une industrie éprouvée et en pleine maturité. La technologie du réacteur à spectre thermique est utilisée au Canada, aux Etats-Unis, en Europe, au Japon, en Inde… à une échelle industrielle depuis une cinquantaine d’années. Sur les réacteurs que nous avons aujourd’hui, les recherches qui se font depuis une dizaine d’années déjà sont surtout orientées vers la recherche de performance économique. Le nucléaire est la source d’énergie qui produit de l’électricité au plus bas prix. En Belgique, le kiloWatt/heure nucléaire est produit à 3 eurocents, celui gazier à 7 eurocents et celui du pétrole à 10 eurocents. Le nucléaire est donc deux fois plus intéressant, et c’est d’autant plus attrayant pour un industriel producteur d’électricité lorsqu’on sait que le prix de l’électricité est indexé au prix du pétrole. Ce qui est tout aussi intéressant à faire comme développement en termes de recherche, c’est d’arriver à prolonger la durée de vie d’une centrale nucléaire qui est essentiellement dictée par l’état de fragilisation de la cuve du réacteur. A titre d’exemple, vous pouvez tout remplacer dans une voiture quand elle vieillit, mais pas le châssis. La cuve du réacteur est ce châssis. Aujourd’hui, on estime cette durée de vie à 60 ans, mais la licence d’exploitation se donne des marges de sûreté et on n’accorde, à ce titre, que 30 à 40 ans. Mais il est clair que si on démontre que les cuves peuvent tenir, dans des conditions optimales de sécurité, 60 ans, on aura gagné 20 ans de fonctionnement. Il est, bien entendu, hors de question que cela se fasse aux dépens de la sûreté, même si sur le plan économique, cela représente un gain énorme. Maintenant, pour contrebalancer cet énoncé positif, il faut dire que cette technologie n’utilise que 0,7% de la ressource globale, notamment l’uranium 235 seulement. La recherche menée actuellement consiste à explorer la possibilité d’utiliser des réacteurs nouveaux dits à spectres à neutrons rapides en vue de brûler tout, ou du moins, la majorité du combustible nucléaire, c’est-à-dire les 0.7% d’uranium 235 mais, surtout, les 99.3% d’uranium 238. Pour traduire la situation actuelle de la combustion nucléaire en langage de disponibilité des ressources, il faut préciser, au prix aujourd’hui de l’uranium qui est cédé à 10 dollars le kilo, que nous aurons des ressources d’une durée de vie de 50 ans. Autrement dit, dans 50 ans, le monde n’aura plus de combustible pour faire fonctionner les centrales nucléaires, alors que, paradoxalement, les investissements déjà consentis et ceux attendus sont gigantesques. Il est clair que la solution est incontournable, pour peu qu’on assimile l’idée de base que c’est d’enjeux liés au développement durable, à l’échelle mondiale, qu’il est question. Et pour ce cas de figure, seul le passage à la technologie des réacteurs à spectres à neutrons rapides peut prolonger la durée d’utilisation des ressources disponibles. On passerait de 50 ans d’utilisation, pour ces ressources avérées, à 2000 ans. A échelle humaine, cette durée donne de la marge d’ici à ce que de nouvelles sources soient révélées à l’humanité, et certainement aussi de nouvelles technologies. En parlant de nouvelles technologies, celles en cours de mise de conception promettent-elles de résoudre les lancinantes questions de la sûreté nucléaire et de la gestion des déchets ? H. A. A. : C’est tout l’intérêt des nouvelles filières de réacteurs sur lesquelles on travaille actuellement. Les filières à spectre rapide, entre autres, un réacteur déjà testé, celui refroidi au sodium. Il s’agit d’une technologie testée aux Etats-Unis, en France, en Russie et au Japon, notamment. Mais il s’agit essentiellement de réacteurs de tête de filière ou de recherche. Aujourd’hui, on se focalise sur un nouveau réacteur au sodium, plus économique, et également sur un réacteur refroidi au plomb, car le sodium est inflammable au contact de l’air et de l’eau, ce qui pose de sérieux problèmes de sûreté. Par ailleurs, le plomb est plus dense que le combustible, et même si on va jusqu’à l’accident majeur, autrement dit jusqu’à la fusion du coeur, il ne se passe rien, car le combustible, étant plus léger que le caloporteur (le plomb), va tout simplement flotter sous forme de grumeaux à la surface du plomb. Et dans ce cas, l’accident de criticité est impossible. La troisième filière à spectre rapide, c’est celle des réacteurs refroidis au gaz. Voilà où on en est sur le plan de la recherche sur les filières nouvelles, le challenge étant de les démarrer, à l’échelle industrielle, vers 2030. Il faut donc construire un prototype de réacteur entre 2015 et 2020. Pour ce qui est de la technologie utilisée actuellement, le problème de gestion des déchets issus des réacteurs nucléaires demeure réel. A titre d’exemple, le cas de la Belgique. Celle-ci a démarré son programme de production nucléaire massive en 1975. En 1974, un programme de recherche sur la gestion des déchets nucléaires qui vont sortir de ces centrales a été mis sur pied. Entre autres solutions envisagées, celle retenue a été l’enfouissement des déchets dans des couches géologiques stables. Pour le cas d’un petit pays comme la Belgique, c’est l’argile qui fait l’objet d’études de fiabilité. Dans des couches géologiques entre moins 100 et moins 400 m de profondeur avec des épaisseurs de 300 m. L’idée retenue, c’est de creuser des galeries dans cette argile et y entreposer les déchets en question. Il faut savoir que dans une tonne de combustible nucléaire, il y a de l’ordre de 60 kg de déchets, car les 940 kilos restants sont récupérés de nouveau comme combustible. Les déchets sont mis dans une matrice de verre qui est à son tour coulée dans des fûts en acier qui seront mis dans des galeries creusées dans l’argile. La solution est donc là sur le plan technique. La seule difficulté, et qui est bien réelle, c’est que ces déchets gardent leur niveau de toxicité industrielle durant 500000 ans et plus, avant de revenir à leur niveau naturel de toxicité correspondant à celle du minerais d’uranium qui a servi à la fabrication du combustible. On a donc à faire avec une gestion de durée qui dépasse la dimension humaine. Dans nos activités humaines, on n’est pas habitués à gérer des durées de ce genre. A la limite, lorsque vous vous retrouvez en Egypte, en face des pyramides, vous vous dites que vous avez devant vos yeux la preuve que l’homme est arrivé à laisser, 6000 ans plus tard, des traces et même des témoignages vivants d’une technologie humaine qui a pu défier l’histoire. C’est une durée gérable et raisonnable. Un million d’années, en revanche, c’est au-dessus de la dimension humaine et de toutes les prévisions. D’ailleurs, dans l’état actuel de notre technologie, nous n’avons jamais compté sur la barrière fabriquée par l’homme pour prétendre à la sûreté liée aux déchets nucléaires, mais plutôt sur la barrière géologique. Cela dit, nous n’avons pas le droit de léguer aux générations futures, pour un million d’années, un héritage aussi difficile à gérer. Que serait donc la solution pour ce problème ? H. A. A. : Face à ce problème incontournable, des recherches se font depuis une dizaine d’années de façon intense sur une gestion alternative des déchets nucléaires. Des recherches qui se résument dans la problématique de la séparation et de la transmutation. Cela veut dire qu’on veut séparer les éléments .dangereux des déchets nucléaires dans une première phase chimique dite de séparation. Ensuite, intervient la phase de transmutation. Ce qui est entrepris dans cette phase, c’est l’acte de transmutation des déchets nucléaires, plus lourds que l’uranium, comme le plutonium, l’américium, le curium… Ce sont des éléments fabriqués artificiellement dans le réacteur nucléaire et qui sont plus lourds que l’uranium. La transmutation s’opère en les fissionnant, en les cassant en deux produits de fission pour qu’ils deviennent par la suite un petit problème à gérer, comme celui des produits de la fission de l’uranium. Réussie cette opération à double articulation de séparation et de transmutation, le problème de la gestion des déchets est ramené à l’échelle temporelle humaine de 300 à 600 années. Les recherches menées et les expériences faites ont été concluantes à l’échelle du laboratoire, avec une maîtrise de l’ordre de 99,99% pour ce qui concerne la séparation. Cela dit, ce qui est vrai et valable à l’échelle du microgramme doit se confirmer à l’échelle du kilogramme, pour voir si l’effet est le même sur des quantités plus grandes quand elles sont soumises plus longtemps aux radiations. Quand celles-ci bombardent la molécule, elles la détruisent. C’est ce qu’on fait notamment pour tuer les cellules cancéreuses dans les hôpitaux. Pour notre cas, si vous laissez la molécule utilisée pour effectuer la séparation des noyaux plus lourds que l’uranium en présence de radiations plus longtemps qu’il ne faut, elle risque d’être détruite et ne pourra plus faire le travail. Pour développer le procédé expérimenté à l’échelle du laboratoire vers l’échelle industrielle, la bataille n’est pas encore forcément gagnée. Il y a une transition qui doit s’opérer pour envisager l’industrialisation de ces procédés. Il faut passer à l’échelle d’unité pilote, qui correspond à un niveau 10 par rapport au niveau 1 du laboratoire. Cela, avant que d’aller vers l’échelle industrielle qui serait, elle, d’un niveau 100, voire 1000. Mais alors, gagner le pari d’une gestion optimale des déchets nucléaires, au vu de l’avancée technologique, telle que vous la présentez, n’est qu’une question de temps…? H. A. A. : Pas uniquement, puisqu’il s’agit de dépasser un premier obstacle, à savoir celui de la faisabilité technique à grande échelle. Et puis, même si on passe avec succès cette étape, ce ne sera pas encore acquis, car il faudra, pour passer à l’étape industrielle, savoir si économiquement une telle technologie est viable. Si une industrie peut faire de l’argent avec ça, elle le fera. La science a démontré son savoir, la technique et la technologie leur savoir-faire, mais l’économique prévaudra. Quand on aborde le sujet du nucléaire, en général, et celui de l’électronucléaire, en particulier, en pensant au transfert technologique, notamment vers des pays d’Afrique tels que l’Algérie, on entrevoit très vite des obstacles de toutes natures. Ce transfert estil aujourd’hui possible, si oui, comment ? H. A. A. : Il est évident que pour acquérir une technologie nouvelle, il ne s’agit pas seulement d’acheter des équipements. Une partie du savoir-faire qui est derrière doit être acquise en même temps. On pourrait invoquer le refus des industries avancées de collaborer à ce transfert. En guise de réplique à cet argument, il suffit de regarder autour de soi. La Chine, par exemple, qui a besoin de sources d’énergie, a acheté des réacteurs nucléaires auprès de compagnies qui ont bien voulu entreprendre avec elle, de manière sérieuse, dans un but avoué et communément accepté, le transfert du savoir-faire et de la technologie. Il ne s’agit pas de savoir-faire qui permet de fabriquer des centrales nucléaires, mais plutôt de savoirfaire qui permet de les gérer avec toutes les conditions de maîtrise et d’adaptation que cela implique. Pour réussir cela, la toute première condition, c’est de préparer le terrain humain, autrement dit, des compétences, des gens formés à ces techniques, de bons ingénieurs mécaniciens, de bons physiciens nucléaires, électriciens, électroniciens, de bons physiciens des réacteurs. Une condition à laquelle l’Algérie répond d’ores et déjà. Je le sais et le crois : il y a de grandes compétences dans ces domaines en Algérie. La seconde étape va consister à négocier l’achat d’une technologie quelconque. Les Chinois ont acheté 6 réacteurs avec des conditions qui leur assuraient un transfert sûr et de qualité du savoir-faire et de la technologie. La démarche a été la suivante : les deux premiers réacteurs seront fabriqués par des Français avec des ingénieurs chinois, au niveau des laboratoires et des bureaux du constructeur européen, en train seulement de regarder. Les deux réacteurs suivants seront dessinés en même temps par les Français et les Chinois, en train de se corriger mutuellement. C’est l’étape-clé du transfert de savoir-faire et de technologie. Les deux derniers réacteurs seront faits par les Chinois sous le contrôle des Français. C’est le moment où la maîtrise de la technologie est acquise par les locaux. C’est ainsi que ça s’est fait, en achetant 6 réacteurs et en transférant la technologie en Chine. Cela ne veut pas dire que les Chinois n’achètent plus rien chez le constructeur. Seulement, ils ont la maîtrise de la technologie chez eux et ils peuvent modifier une composante d’un réacteur, si c’est nécessaire. En fait, l’intelligence de la négociation des contrats prouve qu’on peut se permettre en Algérie d’obtenir de réels transferts de technologie. En parlant de compétences et de transfert de technologie, vous-même en êtes l’incarnation. Ce qui nous fait penser que l’université pourrait aussi jouer son rôle en jetant des passerelles entre les industries concernées et les universités algériennes. Qu’en pensez-vous ?

H. A. A. : Vous faites bien d’évoquer ce sujet, car le fait est patent aujourd’hui que les industries nucléaires en Europe, qui sont les plus actives dans le monde, ont de moins en moins de nouveaux ingénieurs qui arrivent sur le marché de l’emploi. Il leur faut des ingénieurs par milliers et Dieu sait que ce nombre ne peut être concrétisé dans le seul continent européen. A titre d’illustration, Areva seule a besoin de pas moins de 4 000 ingénieurs chaque année, pendant la prochaine décennie. Un pays comme l’Algérie, qui dispose d’ores et déjà de compétences avérées dans le domaine nucléaire, pourrait signer un contrat de collaboration qui consiste à former des ingénieurs, des physiciens, en partenariat avec l’industrie qui voudrait les utiliser en Europe.Un tel engagement fera en sorte que cette industrie va jouer sa réputation, car ces ingénieurs seront formés aux standards de cette industrie. Cette formation se ferait en synergie avec l’Université algérienne, l’université européenne et les industries avec lesquelles cette université travaille. On créerait une synergie tripartite à haute valeur ajoutée pour tous. Finalement, chacun y trouverait son compte : le transfert de technologie se ferait réellement et le support entre le monde universitaire serait efficace, et le transfert de technologie se ferait selon des standards rigoureux. Lorsque vous ouvrez de telles perspectives pour l’Algérie, on constate bien que vous lui entrevoyez un avenir incontournable dans l’électronucléaire…

H. A. A. : Il est vrai qu’on est en droit de s’interroger sur l’opportunité d’un déploiement électronucléaire en Afrique. Je pense franchement qu’il est légitime pour ce continent de commencer à penser à l’aprèspétrole, à l’après-gaz… La question pour l’Algérie, c’est de savoir si notre pays également est concerné par la perspective électronucléaire. En fait, l’Algérie a les conditions requises pour développer deux solutions parallèles. Celle du solaire, car nous avons des surfaces désertiques immenses où on ne peut que déployer un arsenal technique, mais pas celui du photovoltaïque, plutôt un système fondé sur une conversion à cycle thermodynamique. Pour être mieux optimisé, la thermodynamique ne doit pas être basée sur l’eau. Il faut passer à un cycle basé sur le sel fondu, ce qui permet de monter à des températures beaucoup plus élevées dans le circuit secondaire, d’avoir par là-même un rendement thermodynamique beaucoup plus important et, donc, de rendre possible le stockage de l’énergie. C’est une voie de développement qui peut constituer une des alternatives aux hydrocarbures en Algérie. La seconde, effectivement, c’est l’électronucléaire, et l’Algérie doit jeter son dévolu dans un premier temps sur des technologies déjà éprouvées, réellement démontrées et matures. On parle de l’Algérie, mais ne pensez-vous pas que l’électronucléaire en tant que projet devrait prendre une dimension régionale plus étendue ? H. A. A. : Je ne connais pas tous les détails du réseau nord-africain, mais il me paraît suffisamment intégré, en tout cas au niveau maghrébin, qu’il faudrait penser à une solution régionale dans l’électronucléaire qui serait beaucoup plus efficace et plus viable économiquement sur le plan du risque associé à l’investissement. Par ailleurs, la taille de ces centrales devra être déterminée, sur le plan technique, par rapport aux capacités du réseau. Des centrales de puissance moyenne, entre 600 et 300 Mégawats électriques, pourraient être une option optimum. De toutes les façons, il suffit de faire des études pour cela, et les gens de Sonelgaz sont tout à fait en mesure de juger de cela. Il est, par ailleurs, d’une importance capitale de consentir un projet pareil à l’échelle régionale, de manière intégrée, avec un partage équitable des risques et des compétences. Dans ce registre, l’Europe a été pionnière, grâce à la synergie de l’union. Ce qui donne aujourd’hui à l’Europe Unie une dimension plus importante. Dans un continent jeune comme l’Afrique, cela peut être un très bon début, avec l’avènement d’un ensemble régional, comme le Maghreb, qui pourrait devenir une véritable locomotive du développement du continent africain, surtout dans un domaine aussi engageant et aussi lourd que le nucléaire Le professeur Hamid Aït Abderrahim est ingénieur en physique nucléaire, détenant un PhD en physique des réacteurs. Il est professeur en ingénierie des réacteurs nucléaires à l’Université catholique de Louvain, en Belgique. Il est, entre autres, président du conseil de gouvernance du Virtual European Lead Laboratory -Vella, membre du conseil scientifique du Centre de recherche nucléaire de Birine, en Algérie, coordinateur scientifique pour un projet scientifique de l’AIEA. Il a publié plus de 80 articles et animé des conférences dans les domaines des réacteurs nucléaires et de la dosimétrie.
 

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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