Au troisième jour des émeutes, la wilaya de Tiaret s’est réveillée, hier, dans un climat plus tendu que jamais, tant le bilan des dégâts enregistrés la veille se veut d’une extrême gravité. Après avoir incendié, durant l’aprèsmidi d’avant-hier, un lycée au niveau de la cité Belle Vue, les manifestants se sont pris, durant la nuit, au rectorat de l’université Ibn- Khaldoun qu’ils ont réduit à néant tout en saccageant,
dans la lignée, un magasin privé de service après-vente de téléviseurs Condor. Dans les hauteurs, comme au centre de la ville, aucunement apeurés, les manifestants se sont attaqués au siège de la 2e sûreté urbaine et à l’établissement pénitentiaire qu’ils ont arrosé de cocktails Molotov.
À Sougueur, les émeutiers ont pris, durant la même nuit, d’assaut les sièges de l’APC, celui du tribunal, une banque et la maison de jeunes qu’ils ont saccagés et incendiés.
À Medrissa, c’est le siège de l’APC qui a été visé par les manifestants surexcités. Cependant, en face de ceux qui haranguaient la foule pour attaquer les policiers, il s’y trouvait heureusement des partisans du calme et du dialogue qui sont parvenus à disperser les jeunes formés en ligne devant les engins antiémeutes. Néanmoins, l’incommensurable foule qui ne cesse de scander l’État de Droit n’a pas manqué de paraphraser que la véritable insécurité, à Tiaret ou ailleurs, c’est le chômage, la précarité, l’incertitude de l’avenir et les pratiques d’une autorité chauffée à blanc par un pouvoir oscillant entre populisme et relent d’extrême affairisme. «Une situation pour le moins critique qui présageait déjà un tel climat qui était prévisiblement voué à la violence et l’affrontement», expliquera un homme d’un certain âge qui soutient que l’autorité compétente est interpellée pour résoudre les problèmes cruciaux auxquels sont perpétuellement confrontés les jeunes en particulier et la population en général. «Le gargarisme sémantique est la seule thérapie qu’a trouvé la classe politique pour cacher aux yeux de tous son impuissance. Ces professionnels du discours rivalisent de formules «républicaines» pour montrer qu’ils ont la situation «sous contrôle» alors que l’usage de ces mots, de ces termes, tient plus de l’incantation que de la réalité d’une volonté d’action. Un mot n’est qu’un mot, mais il ne doit pas acheminer vers des maux», ajoutera un autre ayant l’allure d’un ancien élu. Ces affrontements sont l’expression d’une jeunesse populaire réunie par le fait d’être soumise à la précarisation générale de la société, l’incertitude de l’avenir et la criminalisation sociale. Autant croire ainsi que les institutions locales, à travers la wilaya de Tiaret ou ailleurs à travers tout le territoire national, sont des «sanctuaires» coupés de la société et de ses problèmes, c’est faire le choix de «la politique de l’autruche » ou accepter implicitement les choix sociétaires antisociaux et inégalitaires des classes dirigeantes actuelles. Toutefois, bien que l’exactitude ne soit pas encore connue tant aucune information officielle n’a filtré de l’instance compétente, il semblerait que les services de sécurité ont opéré plusieurs interpellations parmi les émeutiers. Hier, la sérénité est quelque peu perceptible, avec un retour néanmoins précaire, tant le climat demeure sensiblement tendu.
M. Zouaoui
Dimanche 9 janvier 2011 – www.lecourrier-dalgerie.com – N°2082 – 7e année
9 janvier 2011
M. Zouaoui, Medrissa, Sougueur, Tiaret