le 21.02.11 | 01h00
| © D. R.
La boue est envahissante et aucune ruelle n’est praticable tant…
Les élèves se lèvent à 3 heures du matin pour rallier leurs établissements scolaires. Certains font jusqu’à 13 km comme les
enfants de Matrounia, Oum El Kheir et Lejdar pour ne citer que ceux là.
Bien qu’excentré par rapport aux voies de communications via les routes nationales 14 et 90-A, le village de Tousnina, qui rappelle que les eaux de source du même nom ne sont qu’à 40 km du chef-lieu de wilaya, Tiaret, est une commune qui semble perdue dans les confins des célèbres «Lejdars». Ces tombeaux funéraires berbères que la commune voisine mais resplendissante de santé lui dispute. Dès l’abord, les lieux sont comme suspendus dans le temps. Aucune ruelle n’est praticable tant pour les piétons que pour les véhicules. La boue est omnipotente et rend l’air moite. Emmitouflés dans leurs djellabas, ceux parmi les citoyens qui y vivent, accrochés pour la plupart au travail de la terre, n’ont que les murs à raser et les jérémiades pour remplir le temps.
Que dis-je ? Le tuer ! Les signes de la vindicte populaire sont visibles et palpables. Depuis le siège de la mairie, peint en bleu et entièrement brûlé au parc communal, tout a été saccagé. Les jeunes de la localité n’ont que le café Achour pour se rencontrer non sans siroter un bon café local. Dans ce no man’s land, même les rues n’ont pas de nom puisqu’il n’y a que les îlots et les lotissements pour décrire les lieux. A Tousnina, il n’y a pas de place particulière à même de distinguer le village alors que seul le tribalisme continue de régenter la vie de tous les jours. Un tribalisme tellement pesant qu’il a fini par exaspérer les plus téméraires.
S. Yacine, celui qui symbolise à lui seul la jeunesse locale, est venu d’ailleurs spontanément nous recevoir vendredi passé pour dire dans toute sa cruauté ce que sa communauté endure sous l’ère d’un maire plus préoccupé par sa fratrie que par les préoccupations légitimes et urgentes de ses concitoyens. Ce maire d’obédience FLN a été jusqu’à couper son téléphone pour ne pas répondre aux questions ni nous recevoir comme par un passé présent. L’ex-centre de santé, qui fait office de siège provisoire pour l’assemblée, n’a été rouvert qu’hier dimanche suite à la rencontre wali/représentants des citoyens. Impatients déjà de recevoir cette fameuse commission d’enquête, les jeunes se sont préparés en conséquence en désignant leurs pairs.
Désolation
Un autre groupe, nous dira Yacine, sera aux côtés de l’assemblée en attendant l’issue de la crise. Mais pourquoi en est-on arrivé là ? Pour le savoir il faut faire le détour dans un village où la désolation dispute l’incurie. Depuis le stade communal gorgé d’eau qui rappelle aux bons souvenirs des jeunes, leur équipe fétiche, l’IROSK (Itihad Riadhi Ouled Sidi Khaled), en référence au saint patron de la ville de la grande tribu des Khoualed jusqu’à la maison de jeunes dépourvue de jeux et qui ne dispose pas d’électricité tout est matière à contestation dans ce bourg. Il y a pourtant, ajuste Yacine «49.000 âmes qui sont nées et enregistrées dans les registres de l’état civil de la commune de Tousnina». 7 des 13.000 personnes qui y vivent votent. «On est, surenchère notre interlocuteur, ni contre Bouteflika ni avec ceux qui sont venus nous booster en nous haranguant après nous avoir filmés et passés dans une chaîne étrangère. Ce que nous demandons c’est un peu de considération et de bannir la hogra. Une hogra qui fait prévaloir un aârch au détriment des autres! Il y a les Kemamchas, Kherissat, Anawel, ouled Sidi Ahmed, Lekaâbra, Ouled Ziane, Nouacer et les Ouled Bouchenafa. Pourquoi seuls les membres de cette dernière tribu sont-ils privilégiés?»
Avec Yacine, d’autres gens sont venus nous égrener les problèmes. Il y a diront certains «des élèves qui se lèvent à 3 heures du matin pour rallier leurs établissements scolaires». «Certains font jusqu’à 13 km comme les enfants de Matrounia, Oum El Kheir et Lejdar pour ne citer que ceux là. Deux bus ont été incendiés lors des émeutes. Il y a là anguille sous roche alors que les privés continuent de disposer de leurs véhicules. Un problème de transport venu envenimer les choses et enfoncer un peu plus des gens qui aspiraient à mieux. Il y a une commission d’enquête promise pour situer les responsabilités mais certains doutent de ces commissions qui ne se mettaient en place jusque là que pour mieux enterrer les affaires. Nous, on espère, car notre volonté reste inébranlable» conclut Yacine, l’informaticien au chômage.
Fawzi Amellal
© El Watan
21 février 2011
Fawzi Amellal., Tousnina