À 80ans, Isidore Partouche, fondateur du groupe de casinos, veille discrètement sur la réussite du Losc, dont il est actionnaire.
La voix soignée de sa secrétaire annonce: « Monsieur Partouche vous rencontrera dix minutes avant le match pour parler du Losc. Si on s’éloigne du sujet, il met fin à la conversation. Cela vous convient? » La rencontre aura finalement lieu après la victoire de Lille contre Sochaux (1-0), mercredi, dans le salon VIP du Stadium Nord où l’on s’incline devant « le patron ». Et Isidore Partouche y mettra fin au bout de sept minutes et
trente-deux secondes avec l’exquise politesse des gens qui savent recevoir: « Allez, je vous offre quoi? » Pour lui, ce sera un verre de whisky sec, pas assez rempli à son goût, histoire de se remettre de l’entretien. Partouche, 80 ans et un humour cinglant, n’accorde presque jamais d’interview. Une sainte horreur de se mettre en avant. À sa place, beaucoup paraderaient. Lui a préféré assister à la finale de la Coupe de France en famille plutôt qu’aux côtés de Nicolas Sarkozy. Et il s’est montré gêné de passer dans les vestiaires féliciter les joueurs, même « un très grand soir » comme ce mercredi.
Le groupe Partouche, numéro deux des casinotiers français, est sponsor maillot du Losc depuis 1998 (avec une pause entre 2000 et 2003). Surtout, il détient 40% du capital depuis sept ans. « Plus qu’Aulas à Lyon », précise-t-il. « Son tandem avec Michel Seydoux [le président du club] est une vraie raison de la réussite du Losc », estime Luc Dayan, qui lui a revendu ses parts début 2004. Entre Partouche, le juif pied-noir parti de rien, et Seydoux, l’héritier de la famille Schlumberger, un « pacte de confiance » : le second consulte le premier sur les décisions stratégiques, mais tranche en dernier lieu. Et comme « les engagements ont toujours été tenus, la confiance est renforcée », précise le président lillois. Cela va très bien à « Monsieur Isidore ».
« Le meilleur, c’est Mavuba »
S’il a passé la main à son fils Patrick dans les affaires, le Losc reste son domaine réservé : « A chaque match à domicile, je dépose ma femme au casino. Elle joue aux machines à sous, et moi, je vais au stade. » Avant, il y a eu le Racing, dont il s’est amouraché durant ses études à Paris. Et le club de sa ville en Algérie, Tiaret, dont il a été président. En 1962, il doit quitter Alger et son petit commerce pour reprendre Paris-Plage, une baraque de divertissements avec piste de karting au Touquet. C’est les Trente Glorieuses, et Isidore Partouche investit la société des loisirs. « Il aime le jeu et a toujours un coup d’avance. C’est d’ailleurs un grand joueur de poker », décrit le publicitaire Frank Tapiro, qui a tourné les spots Partouche avec Éric Cantona. Sa devise : « Il n’y a qu’une seule façon de gagner à tous les coups au casino : en acheter un. » En 1973, il rachète celui de Saint-Amand-les-Eaux à Lucien Barrière. La base de son empire. « Quand je suis arrivé dans le Nord, j’ai commencé à suivre le Losc, embraye-t-il. Aujourd’hui, pour moi, le meilleur, c’est Rio Mavuba. Gervinho et Hazard sont exceptionnels, mais Mavuba, c’est vraiment le pilier. J’aime bien Rami aussi, toujours souriant. Dans le Nord, il y a une manière de vivre complètement différente du Sud. On n’est pas dans le clinquant, et ça me correspond bien. »
C’est pour matérialiser cet attachement à la région qu’il répond à l’appel de Martine Aubry, soucieuse d’aider un Losc en difficulté. En contrepartie, il réclame un appel d’offres équitable pour le futur casino. Ce ne sera pas le cas, selon lui, et il en gardera une rancoeur tenace. « C’est un homme d’une grande rigueur morale dans un milieu du jeu qui a une image interlope, juge Jean-Marc Forneri, président de Bucéphale Finance, qui a accompagné le développement du groupe. Il est extrêmement dur en affaires, mais, avec lui, la parole suffit. C’est aussi un patriarche qui décide de tout. Quand un cousin veut se marier, il va voir Isidore. » Un entrepreneur à l’ancienne qui offre un couscous maison un soir d’OPA hostile. Un anti- »bling-bling » qui s’est offert un plaisir : le restaurant gastronomique Le Laurent, au pied des Champs-Élysées. Nordine Kourichi y a été invité à déjeuner. L’ancienne gloire du Losc en garde un souvenir ému : « Quand M.Partouche a envie de parler, il se lâche. Mais il sait surtout écouter. Les grands hommes sont ceux qui en disent le moins. » Avant de nous quitter, Monsieur Isidore lance d’ailleurs cette supplique : « Le mieux, ce serait vraiment de ne pas faire votre article. »
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22 mai 2011
Tiaret