8 juin, Journée nationale de l’Artiste : Ali Maâchi
« L’hymne assassiné »
PUBLIE LE : 06-06-2011 | 19:11
La journée nationale de l’Artiste, qu’on commémore chaque année, est un hommage rendu, à travers le martyr Ali Maâchi, à l’ensemble des artistes disparus ou encore de ce monde qui ont su à travers leur poésie, plume, instrument de musique, image ou troupe théâtrale pérenniser la culture algérienne, la sauvegarder par-delà les tentatives de dépossession, l’enrichir et lui faire atteindre les sommets de l’art que ce soit par la gestuelle, le verbe ou la musique.
La musique moderne, patriotique et révolutionnaire déferle sur Tiaret dans les années cinquante, introduite d’une façon brutale par un de ses fils au tempérament fougueux : Ali Maâchi. Celui-ci retourne au pays, la tête pleine de sonorités, de senteurs et d’images rapportées des lointaines contrées qu’il a eu la chance de visiter. Il s’est détourné de l’espoir naturel qu’avait son père de le voir le seconder dans le travail de la terre (son géniteur était un riche propriétaire foncier) et, succombant à l’appel du grand large, il embarqua à bord d’un bateau. « A 22 ans, il se fit marin. Les océans l’inspirent et font naitre en lui l’amour de la musique ». A son retour au pays, il prend une arme dont il excelle le plus : le luth, et habille ses musiciens aux couleurs nationales pour mieux chanter la patrie.
Ali Maâchi est d’un tempérament fougueux, écrit Amar Belkhodja dans un livre qu’il lui a consacré «Ali Maâchi, l’hymne assassiné.» A la session de juin 1941, il obtient son certificat d’études primaires. Il atteint le seuil qu’aucun algérien à Tiaret n’a le droit de dépasser, de franchir pour se mêler aux enfants scolarisés des colons. Ali Maâchi ne baisse pas les bras pour autant et face à cette école «laïque» «obligatoire» qui lui ferme ses portes, il opte pour l’apprentissage «libre». Autodidacte il s’intéresse et touche à tout…. sauf, peut être, à la terre. Son père, un notable de la ville, est plusieurs fois élu au conseil municipal. Indépendant, il figure sur les listes du «second collège» et arrive à percer à plusieurs reprises le mur infranchissable de l’administration coloniale. Ali Maâchi forme un groupe musical «Safir Ettarab» qui s’inscrit d’emblée dans le combat pour la liberté . Sa musique se nourrit d’un terreau qui lui préexiste et lui donne un répertoire, des genres et des interprètes. Le Khaldia club, en référence au saint protecteur de la ville, Sidi Khaled dont le mausolée surplombe la cité. Cette formation s’inspire des sonorités et du style qui commencent à dessiner les contours du genre oranais et tlémcenien. Ce groupe est formé le 29 avril 1928, note Amar Belkhodja dans un second livre consacré a cet artiste assassiné «Ali Maâchi (1927-1958) Art et Combat). Plus tard le Khaldia club change de nom et devient «El Andaloussia».
El Andaloussia était l’orchestre du mouvement national, celui de l’U.D.M.A, une formation qui dominait la vie politique à Tiaret. «La troupe animera toutes les soirées et meeting du parti de Ferhat Abbès qui venait souvent dans cette ville… Cette troupe léguera cette tradition à «Safir Ettarab» qui, à son tour, sera l’orchestre attitré du mouvement national.
Mais Safir Ettarab sera plus «radical» qu’El Andaloussia. En effet, ce groupe ne va pas se contenter de reprendre les tubes moyens orientaux, mais, grâce aux talents de parolier et de compositeur de Ali Maâchi, il va populariser, au-delà des frontières de Tiaret, des complaintes du cru, du terroir avec cette touche dite de la neghma oranaise. En fait, Tiaret n’a pas tiré profit de façon directe de l’apport des musiciens qui ont quitté l’Andalousie dans la précipitation au lendemain de la chute de Grenade comme les cités d’Oran, Tlemcen et Constantine. Les Fatimides balaient les Rostémides en 909 de Tiaret et la France rase cette ville en 1835 après que l’Emir Abdelkader eut érigé à Tagdempt sa capitale. Ces événements auront des répercussions souterraines, longues sur le patrimoine musical de cette région qui va s’appuyer presque exclusivement sur son répertoire local dit du Melhoun.
« En 1927, quand naquit Ali Maâchi, l’Emir Khaled est déjà banni… et les autorités coloniales se préparent a célébrer le centenaire de la colonisation, prônant les progrès apportés au pays alors que le chômage, les maladies, la misère, l’analphabétisme, l’habitat précaire et les humiliations sont le quotidien de l’immense majorité des Algériens», mais le mouvement culturel à Tiaret bouillonne. C’est la ville natale de Ali Maâchi assassiné le 8 juin 1958, mitraillé dans une forêt, trainé et pendu par les pieds en pleine place publique Carnot à Tiaret avec deux autres martyrs, Mohamed Djahlane et Djilali Bensotra,
«Ceux qui ont su mourir au milieu des batailles
Ceux qui ont su mourir debout dans la mitraille
Ils étaient les meilleurs»
(Boualem Hamrene, publié dans Révolution, organe de la wilaya IV en 1957)
M. Koursi
6 juin 2011
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