Hadj Hacène Abderrahmane Le doyen vous salue bien Adjal L.

Avec ses 95 années, la doyenneté revient de droit à Hadj Hacène Abderrahmane. Il y a seulement quelques années et à chaque rencontre, tout le monde se plaisait à écouter ses savoureuses anecdotes, ces petits faits sans qui l’histoire serait bien fade. Hadj Hacène est entré très tôt au club comme joueur des catégories jeunes après avoir fait partie des SMA,

aux côtés des Boutlélis, Meftah, Djaffal, Borsla, Djabbar, Biziziz, Bensaâda et Tahraoui. A 20 ans, ses compétences lui ont valu d’occuper le poste ingrat de trésorier général. Au terme de chaque saison, c’était la même prouesse, celle de présenter un bilan comptable positif, au sein d’un club omnisports et dont l’effectif de l’équipe fanion de football était composé d’authentiques vedettes. Quel était son «secret ?», Eclairage de notre interlocuteur : «Nous avions la foi, et celle-ci, vous le savez bien, est de nature à soulever des montagnes. Imaginez-vous que contraint à effectuer les opérations de caisse, j’ai raté beaucoup de matches de notre équipe. C’est vous dire l’amour que nous portions à l’USMO. C’était le bénévolat librement consenti, l’essentiel étant que l’équipe joue et gagne. Et elle gagnait souvent, pour le plus grand bonheur des masses populaires. Les rencontres contre les clubs «européens », c’était la guerre. D’ailleurs, tous les services de sécurité étaient mobilisés, avec la police, la gendarmerie et les militaires. Ils sentaient, sans doute, qu’un souffle de liberté avait surgi avec l’USMO», dirat- il. Un jour, Hadj Hacène et un autre dirigeant, Belkacem Ould Rouaï, ont été conduits manu militari, au commissariat. Motif : pour s’en être pris à un «Européen» visiblement haineux. Le hic, c’est que ce dernier n’était autre que le commissaire divisionnaire Esquéré, fan du CDJ ! Ce que Hadj Hacène, très en colère, ne savait évidemment pas. C’était ce même commissaire qui, à la veille de chaque match, s’arrangeait pour mettre en cellule une demi-douzaine des supporters les plus en vue, qui ne seront relâchées que dimanche soir, c’est-à-dire après le match ! «Pour nous, supporter l’USMO, c’était le seul moyen de nous exprimer», dira Hadj Hacène qui se souvient encore des fameuses circulaires imposant des quotas de joueurs européens au sein des clubs musulmans. «L’USMO a réussi à intégrer d’abord Martinez et Rodriguez, deux demi-frères, ensuite un Israélite, Karsenty dit «moustique ». C’étaient d’excellents joueurs à la mentalité irréprochable. Sur le terrain, ils se donnaient à fond, autant, sinon plus que les nôtres» précisera-t-il. Hadj Hacène citera le match USMO-CALO de 1936. Auparavant, les dirigeants de l’USMO ont saisi d’abord le préfet d’Oran, en 1933, ensuite le gouverneur général en 1935. D’ailleurs, c’était le lot de tous les clubs musulmans. La chronique de l’époque cite le CCS, le GCM, l’USMBA, l’USM Témouchent, et l’USM Tiaret qui ont souffert de cette politique des «quotas». En 1970, Hadj Hacène a passé le témoin à ses successeurs, mais ne s’est jamais détourné du club de son coeur. A chaque assemblée, et à chaque fois que cela s’avérait nécessaire, il répondait présent. Avec son physique à la «Jean Gabin», sa prestance et surtout sa sagesse, il a contribué à régler bien des litiges, en toute équité et à la satisfaction générale. A présent, il coule des jours heureux, entouré par la chaude affection de ses enfants.

Le Quotidien d’Oran
Mercredi 22 juin 2011