Abdelaziz Belkhadem de A à Z
le 04.11.11 | 01h00
| © Souhil. B
Grand absent lors des célébrations officielles du 1er…
A. Arroseur arrosé. Fin 2003, Abdelaziz Belkhadem s’est joint, sans aucune réserve, au complot visant à écarter Ali Benflis, alors candidat à l’élection présidentielle et rival de Abdelaziz Bouteflika, de la direction du FLN. Il a même justifié la décision, complètement illégale, d’un tribunal d’Alger d’invalider les résultats du 8e congrès du FLN pour accélérer la destitution de Ali Benflis. «L’essentiel est de ne pas laisser la crise perdurer trop longtemps», avait-il déclaré en janvier 2004.
Octobre 2011. C’est le retour de flamme. Et surprise : la crise est toujours là. Après avoir mené «un mouvement de redressement» contre Benflis, à la demande de l’entourage de Bouteflika, voilà que Belkhadem est, lui-même, visé par un autre mouvement de redressement qui demande son départ… «Le congrès rassembleur» de 2004 est déjà un lointain souvenir. «Belkhadem est un dictateur», accuse Salah Goudjil, meneur du mouvement de redressement et d’authenticité.
B. Bouteflika. Tthéoriquement «le» président d’honneur du FLN depuis le 8e congrès du FLN en 2005. Mais il n’a jamais pris le soin d’assister aux congrès ou aux réunions importantes du parti depuis son arrivée au pouvoir en 1999. Bouteflika n’a visiblement pas oublié qu’il avait été traduit devant le conseil de discipline du FLN en 1981. A l’époque, Belkhadem était député FLN. Il a gardé le silence sur ce qui ressemblait déjà à une chasse aux sorcières. Mais, depuis le retour de Bouteflika aux affaires, l’ancien président de l’APN ne cesse de se référer au président de la République comme pour se protéger des critiques, des attaques. Il faut juste rappeler qu’en 1999, Bouteflika s’était présenté comme candidat transpartisan. Six ans après, il est président d’honneur du FLN. «Les militants les moins disciplinés sont ceux du FLN», dit souvent Belkhadem.
C. Clan. Belkhadem fait-il partie d’un clan ? Mais lequel ? Les observateurs de la scène politique estiment que l’ancien ministre des Affaires étrangères est un fidèle parmi les fidèles du chef de l’Etat. Durant les années 1990, Belkhadem se contentait d’un petit poste au sein du bureau politique (BP) du FLN. Il a adopté une position réservée lorsque le FLN s’était engagé dans l’initiative du «contrat national» de Sant’Egidio. Il n’a exprimé aucune opinion après «le coup d’Etat scientifique» qui devait éloigner Abdelhamid Mehri du poste de secrétaire général du parti. Le retour de Bouteflika au pouvoir a, d’une manière ou d’une autre, relancé la carrière politique de Belkhadem, désigné à plusieurs postes au gouvernement depuis 1999.
D. Directeur. En 1972, Belkhadem avait été désigné, dans des conditions encore inconnues, au poste sensible de directeur adjoint aux Affaires internationales à la présidence de la République. Avait-il les qualifications pour occuper ce poste ? Sous le régime du colonel Houari Boumediène, Bouteflika était ministre des Affaires étrangères. D’où les rencontres de Belkhadem et Bouteflika sur les questions internationales durant les années 1970. Belkhadem est resté à la présidence jusqu’en 1977, une année avant la mort de Houari Boumediène. Vingt-trois ans plus tard, Bouteflika nomme Belkhadem au poste de ministre des Affaires étrangères. La continuité sans le changement…
E. Evénement. Les révoltes arabes, qui ont déjà éconduit les dictatures en Tunisie, en Egypte, en Libye et bientôt au Yémen et en Syrie, sont mal vues par Belkhadem, lequel avait fait ses premiers pas en politique sous le régime du parti unique. «En Algérie, nous avons une haute idée de la révolution. La révolution doit avoir une orientation, des objectifs et une direction», a-t-il proclamé fièrement lors d’une émission de la télévision d’Etat. Pour lui, les révoltes arabes ne sont pas spontanées, mais « provoquées par l’Occident » qui veut « partager le Moyen-Orient et le Maghreb ». Au-delà de cette paranoïa, partagée par les cercles de «la bien-pensance» d’Alger la Blanche, Belkhadem s’est accroché, comme d’autres d’ailleurs, à la branche déjà sèche du 5 Octobre 1988. «Personne ne dit que les troubles d’Octobre 1988 en Algérie étaient une révolution. Pourtant la population avait manifesté dans les rues», a-t-il soutenu sans rappeler que l’armée avait tiré sur la foule le 5 octobre 1988. Belkhadem, comme Ouyahia, croit à la théorie vaporeuse du «printemps démocratique» en Algérie depuis l’ouverture de la parenthèse de la Constitution du 23 février 1989. Un printemps qui devait sûrement ressembler à un hiver nordique…
F. France. L’ancienne puissance coloniale doit, selon Belkhadem, reconnaître les crimes en Algérie. «Les crimes commis par la France contre les Algériens resteront une infamie qui la poursuivra à jamais (…) La vengeance n’est pas notre objectif, mais nous voulons plutôt que la France ait le courage de reconnaître officiellement ses crimes. Aujourd’hui, on veut altérer la vérité et occulter les pratiques inhumaines contre les Algériens à travers des hommages aux harkis et la promulgation de lois glorifiant le colonialisme», a-t-il déclaré dernièrement. On se rappelle qu’à la promulgation de la loi du 23 février 2005 sur «les bienfaits» de la colonisation en France, les premiers à dénoncer le texte étaient les historiens français. Ni les historiens algériens, ni les responsables du FLN, ni encore moins les dirigeants de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) ne l’ont fait. La réaction officielle n’est intervenue que deux mois plus tard. Petit exemple : le FLN n’a jamais dénoncé la poursuite des essais nucléaires français dans le Sud algérien après l’indépendance en 1962…
H. Histoire. Belkhadem fait, à chaque fois, des plaidoyers pour l’apprentissage de l’histoire par les jeunes. Mais quelle histoire ? L’officielle ? Celle qui prétend encore que Abane Ramdane est tombé au champ d’honneur ? Celle qui a fait oublier le combat de Hocine Aït Ahmed, Messali Hadj, Ferhat Abbas, Mohamed Boudiaf, Krim Belkacem… «Si nous n’écrivons par l’histoire nationale, nous serons responsables devant les générations futures», a estimé Belkhadem. Oui, le FLN n’a pas écrit l’histoire. Il n’a retenu que ce qui l’arrange. Implicitement, Belkhadem le reconnaît. Sinon comment comprendre qu’il appelle à « assainir » l’histoire de l’Algérie et à la «préserver» contre la déformation…
I. Indépendance. Le FLN, parti-Etat, puis parti unique, puis encore front traversé de courants et de sensibilités et ensuite parti qui tente de s’adapter au pluralisme, n’a jamais réclamé son indépendance vis-à-vis des centres de décision, du pouvoir. Pendant une courte période, Abdelhamid Mehri, secrétaire général, avait tenté de faire du FLN, un parti d’opposition. Il aurait pu le devenir même si la conjoncture de l’époque, le milieu des années 1990, était difficile, porteuse de périls. Arrivé à la tête du FLN grâce à la justice de la nuit et aux manœuvres de l’ombre, Belkhadem avait, dès le départ, un handicap. Celui de ne pouvoir contester les ordres de ceux qui l’ont installé sur un fauteuil rembourré de la rue du Stade, siège du FLN. Non, Belkhadem ne réclamera jamais l’indépendance du FLN.
J. Jeunes. Belkhadem s’est rendu compte que le FLN est un parti aux cheveux blancs. Depuis son «bombardement» au poste de secrétaire, il n’a pas cessé de répéter que les portes doivent s’ouvrir «aux jeunes et aux femmes». Depuis 2004, il n’a pas fait grand-chose pour appuyer des jeunes à arriver à des postes de responsabilités. Pire. Il s’est permis, comme le fait Bouteflika depuis des années, d’attaquer les jeunes. «Le problème pour certains de nos jeunes ne réside pas dans le manque d’opportunités d’emploi, mais dans le fait qu’ils expriment des préférences pour d’autres emplois», a-t-il dit lors d’une journée parlementaire sur la lutte contre le chômage. D’après lui, les jeunes n’aiment pas travailler dans les secteurs de l’agriculture et des travaux publics et préfèrent… «la vente sur les trottoirs». A son arrivée à la présidence de la République, Bouteflika a dit tout «l’amour» qu’il avait pour les jeunes Algériens : «Ils ne maîtrisent aucune langue» ; «ils ne veulent pas travailler» ; «ils veulent porter les beaux habits»…
L. Limitation des mandats présidentiels. En 1996, le FLN a voté avec entrain pour la Constitution proposée par le général Liamine Zeroual, alors président de la République. Cette Constitution était porteuse d’une nouveauté : limitation des mandats présidentiels à deux. En 2008, le même FLN a fait campagne pour la Constitution révisée par Bouteflika pour ouvrir les mandats présidentiels. Un grand pas en arrière. Belkhadem et les responsables du vieux parti n’ont aucun complexe à faire la chose et son contraire. Début octobre 2011, le SG du FLN, qui nourrit l’ambition d’être, un jour, le principal locataire du palais d’El Mouradia, a fini par lâcher : «Je considère qu’il faut laisser le libre choix au citoyen. Il peut renouveler comme il peut ne pas renouveler sa confiance.» Traduction : Belkhadem est contre la limitation des mandats présidentiels. L’humiliation continue des dictateurs dans le monde arabe ne l’a pas encore aidé à ouvrir les yeux sur l’accélération du mouvement de l’histoire…
M. Musée. Belkhadem refuse que le FLN, ex-parti unique, entre au musée de l’histoire comme tous les ex-partis du pouvoir en Europe de l’Est, Amérique du Sud et Monde arabe. «Le FLN historique est utilisé comme un registre du commerce», estime l’historien Mohamed El Korso. Par le passé, Mohamed Boudiaf et Bachir Boumaza avaient formulé la demande. Autrement dit, mettre le FLN, sigle représentatif de la guerre de Libération nationale, à l’abri des exploitations politiciennes. Belkhadem ne l’entend pas de cette oreille. «Ils ne sont pas encore nés ceux qui veulent mettre le FLN au musée», a-t-il lancé comme s’il était maître de la marche du monde. Belkhadem est allé plus loin : «Il y a un complot qui se prépare contre l’Algérie comme en 1954 et 1988… Et le FLN a déjoué ce complot.» Autrement dit, si vous demandez la disparition du FLN, comme tous les partis uniques de l’Europe de l’Est, de l’Asie centrale ou du Monde arabe, vous faites fatalement partie d’un «complot» dirigé contre l’Algérie. Qui a dit que le « parti-Etat » était mort ?
N. Non. Contrairement à son habitude, Belkhadem a osé dire «non» à certaines dispositions de la nouvelle loi portant régime électoral à l’APN. Il a amendé le texte proposé dans le «package» des réformes dites politiques de Bouteflika. Habituellement, il dit «oui, oui et mille fois oui» à tout ce qui émane du chef de l’Etat. Alors que s’est-il passé ? Belkhadem, fortement contesté par la base du parti, veut-il porter de nouveaux habits après avoir pris plusieurs tasses de café avec des dirigeants du FIS dissous ? Le FLN a rejeté l’interdiction du «nomadisme» politique, au motif que cela relève de «la discipline partisane». «Il y a lieu de faire la différence entre un mandat électif et le respect de la volonté populaire», a argué Belkhadem. Donc, les militants du FLN et des autres partis peuvent «papillonner» comme ils veulent dans le champ sans herbe de la politique algérienne…
O. OTAN. Belkhadem n’aime pas le Conseil national de transition (CNT) libyen. Il l’a accusé d’avoir fait appel à l’OTAN pour chasser El Gueddafi du pouvoir. «Nous, nous avons combattu l’OTAN», a-t-il déclaré à la télévision d’Etat. Pourtant, l’Algérie s’est engagée dans le processus de «Dialogue méditerranéen» avec l’OTAN en 2000. A l’époque, Abdelaziz Belkhadem était ministre des Affaires étrangères. Il n’a rien dit ! Des officiers, des scientifiques et des politiques algériens participent régulièrement aux conférences, manœuvres militaires et ateliers de formation de l’OTAN depuis 2000. Belkhadem n’a rien vu ! Le 20 décembre 2001, Bouteflika a visité le QG de l’OTAN à Bruxelles. Il était le premier président algérien à le faire. Belkhadem n’a pas démissionné ! En mars 2007, Belkhadem, en tant que chef du gouvernement, a reçu à Alger le général d’armée, Raymond Henault, président du Comité militaire de l’OTAN. Les deux hommes étaient assis devant une table garnie de pots de fleurs et de petits-fours…
P. Premier ministre. Belkhadem n’a occupé ce poste que pendant deux ans, entre mai 2006 et juin 2008. Pendant ce règne très court, il a eu à gérer deux gouvernements ! La première équipe a vécu 375 jours, la deuxième 384 jours. En fait, depuis l’arrivée de Bouteflika au pouvoir en 1999, chaque Premier ministre, Belkhadem est le seizième depuis l’indépendance de l’Algérie, a eu à gérer deux à trois gouvernements : Benbitour, Benflis, Ouyahia… Un record d’instabilité ! Des indiscrétions permettent de rapporter que Belkhadem, qui maîtrise peu les questions économiques, se plaisait à dire aux responsables chargés de préparer les différentes lois de finances : « Faites-nous quelque chose pour faire plaisir au peuple !»
R. Représentant personnel du président Bouteflika depuis juin 2008, Belkhadem est presque au chômage forcé. Il n’est pratiquement plus sollicité par le chef de l’Etat, ni pour des missions à l’étranger ni pour des actions politiques à l’intérieur du pays. Payé à ne rien faire ?
S. Système. Belkhadem craint le système parlementaire, lui qui fut président de l’APN, après la brève ouverture démocratique qu’a connue le pays après l’adoption de la Constitution du 23 février 1989. D’après lui, la Constitution, votée en 1996 et partiellement amendée en 2008, ne défend ni un système parlementaire ni présidentiel. «Il y a un problème avec le système semi- présidentiel. Car, le pouvoir ne se partage pas. Il faut sortir de cette ambiguïté. Mon opinion est que le système parlementaire est le plus proche de la justesse en ce sens que les électeurs restent fidèles, dans leurs convictions, à leurs partis et pas à leurs régions», a-t-il expliqué. Mais, voilà, il y a un problème : «Avant d’avoir cette culture, on doit adopter le système présidentiel comme celui qui existe aux Etats-Unis et au Brésil», a-t-il préconisé en plaidant pour un contre-pouvoir parlementaire.
T. Trois. Belkadem, 66 ans, a été trois fois députés à l’APN. Elu à Sougueur, dans la wilaya de Tiaret, en 1977. Il s’est représenté, sous l’étiquette FLN, en 1982 et 1987. En 1988, l’année du soulèvement populaire, il fut désigné vice-président de l’APN. Il a même été président de l’APN entre 1990 et 1991 après la démission de Rabah Bitat.
W. WikiLeaks. Un câble de l’ambassade des Etats-Unis à Alger datant d’août 2008, publié par WikiLeaks, début septembre 2011, révèle que Belkhadem a été démis de ses fonctions par… téléphone. «Une source fiable à la Présidence a confirmé, le 18 août, que Bouteflika a informé Ouyahia de sa nomination par téléphone, alors que la pratique habituelle pour les anciens Premiers ministres de Bouteflika est que les deux hommes se réunissent pour ‘’au moins une demi- journée‘’ avant l’annonce officielle de la nomination», écrit un diplomate. Cette révélation n’a toujours pas été commentée par Belkhadem. Aucune explication n’a été, à ce jour, donnée sur les raisons du limogeage de Belkhadem et son remplacement par Ouyahia alors que le patron du RND avait été lui-même privé de ses fonctions de chef de gouvernement en mai 2006 !
Z. Zaouïa. «Le parti ne peut pas être géré comme une zaouïa.» Le propos, qui est de Salah Goudjil qui dirige actuellement le mouvement de redressement, a de quoi agacer Belkhadem, lui qui est soupçonné d’être sensible aux thèses fondamentalistes. «Novembre est le patrimoine de tous les Algériens. Lorsqu’on enfile le burnous de Novembre, on doit le mériter», a dit, plus loin, Salah Goudjil. Mais, là difficile à saisir ce que l’ancien ministre des Transports veut dire. Belkhadem ne mérite-t-il pas «le burnous» de Novembre ? Nous n’avons pas de réponse. Peut-être que les historiens algériens feront – enfin – leur travail pour nous dire la vérité sur les uns et les autres. Peut-être…
Fayçal Métaoui
© El Watan
4 novembre 2011
POLITIQUE, Sougueur