

Le poète, animateur et producteur radiophonique, Mohamed Benhanafi, est décédé hier à l’âge de 85 ans au village de Boukhalfa dans la commune de Tizi Ouzou au domicile de sa fille suite à une subite détérioration de son état de santé.
Le corps du défunt a été aussitôt transféré vers son village natal de Sidi Athmane dans la région d’Ath Ouacifs où il sera enterré aujourd’hui lundi. Du haut des ses 85 ans, Belhanafi a toujours gardé la forme et, surtout, la force de l’esprit. L’homme ne cessait de dire qu’il n’y avait que deux choses importantes dans sa vie, sa famille et la radio. « La radio, c’était tout sa vie », témoigne Ourida Sider, productrice qui a travaillé avec le défunt à la radio chaîne 2 et qui lui avait consacré un livre témoignage. Né en 1927 au village Sidi Athmane dans la régions des Ath Ouacifs, Belhanafi a quitté les bancs de l’école à l’âge de 14 ans et s’installa dans la ville de M’Chedellah (ex Maillot) où il se fera embaucher comme vendeur dans une épicerie. « Mes parents étaient quand même rassurés, car là-bas, j’étais entre de bonnes mains puisque le patron, un certain Hamou Belkacem, était quelqu’un de mon village. A l’époque, au début des années cinquante, Ferhat Abbas venait souvent à l’épicerie. Je le vois encore, dans mon esprit, franchir le seuil de la boutique. Ce sont des souvenirs qui ne s’oublient pas », confiait l’animateur, en 2005, dans les colonnes de notre journal. C’est à cette période que Belhanafi se maria avant d’aller s’installer à son compte dans la ville de Tiaret dans le commerce du tissu. Après le déclenchement de la révolution en novembre 1954, il a été désigné en tant que commissaire de zone du secteur 2 du département de Tiaret. A l’indépendance, Benhanafi rentre à Alger avec sa famille pour entamer une carrière à la radio kabyle (Chaîne 2). Avec Mohamed Hilmi et Ahmed Imane deux autres illustres noms de la radio, Benhanafi a commencé avec une émission sur la poésie “Leqlam ajdid” (La nouvelle plume) et une émission enfantine “Tibhirin dhijeguigen dwaman issemadhen, yesefrahen arrac imechtuhen” (Les jardins, les fleurs et l’eau fraîche qui rendent les enfants heureux). Parmi ces enfants qui passaient devant son micro, nombreux sont ceux qui sont devenus de grandes célébrités à l’instar de Nouara et Mouloud Habib mais pas seulement puisque d’autres voix célèbres de la chanson kabyle ont “subi” le texte du maître à travers la notoire “Ichenayen uzeka” (Les chanteurs de demain) animé par ce troubadour du micro d’où ont émergé Malika Domrane, Matoub Lounès, Djamel Frahi, Dalil Omar, Said Ait Djoudi… Benhanafi c’était aussi l’animation de galas dans les années soixante-dix avec Athmani, Aït Menguelet, Dalil Omar, Mouhouch, Ben Mouhoub… Et comme les poèmes de Benhanafi sont aussi faits pour être chantés, l’homme en avait fait des chefs-d’œuvre pour les plus célèbres artistes kabyles, dont Idir. Djamel Chir, Medjahed Hamid, Athmani, Taous, Chabha, Cherif Kheddam, Kaci Abdjaoui…
En 1997 et après trente-quatre ans de service, il décide de lâcher le micro avant de faire son come back en 2001, grâce au concours de l’animateur Said Fréha qui est allé le chercher pour animer l’émission “Ghef yiri lkanun” (Autour du feu) chaque vendredi de 23h à minuit réalisée par Ourida Sider depuis 2003. Malgré le poids de l’âge, Belhanafi n’a jamais cessé de produire. Pour preuve, sa dernière émission enregistrée à la radio remonte à moins d’un mois, témoigne encore Ourida Sider. « Sa dernière émission remonte à juste avant la dernière tempête de neige. Il n’a jamais cessé de travailler, car l’homme ne pouvait vivre sans la radio qu’il a toujours considérée, après sa petite famille, comme la plus importante chose dans sa vie ». Une radio devenue son second foyer où il avait passé une cinquantaine d’années à se consacrer, corps et âme, à la culture et à l’identité Kabyle. Belhanafi, qui a tant donné à la culture, a toujours refusé les feux des projecteurs. Pour preuve, lors de l’hommage que lui avait rendu la Radio nationale chaîne II, en février 2008, lui consacrant une soirée spéciale de 21h à minuit, Mohamed Belhanafi n’a pas voulu trop se montrer, laissant le soin aux autres de parler de lui. Aujourd’hui, Belhanafi n’est plus de ce monde, mais son œuvre restera à jamais gravée dans la mémoire de ceux qui l’aiment. C’est d’ailleurs le meilleur hommage que l’homme aurait souhaité de son vivant.
Ali C.
5 mars 2012
PERSONNALITES, Sougueur