Les partis politiques algériens sont‑ils devenus insensibles aux préoccupations et aux souffrances des citoyens ? Depuis l’annonce de la date des législatives, rien ne semble les intéresser en dehors de la préparation de ce scrutin. Pour preuve, les futurs députés et les chefs de partis passent sous silence des évènements dramatiques, des manifestations et des contestations populaires. On le savait déjà, la classe politique algérienne est en complet déphasage avec la société. Mais il y a des événements qui, de par leur importance et parfois à cause de leur gravité, méritent, par décence ou par obligation, une réaction de nos politiques.
Comme le pouvoir, les politiques algériens gardent le silence sur des questions de fond, sur des faits en rapport direct avec la vie des citoyens. Ainsi, aucune réaction n’a été enregistrée suite à l’annonce de la découverte, dimanche et lundi derniers, dans différentes localités de la wilaya de Tizi Ouzou, de trois écoliers morts pendus. Tout comme la découverte, le 12 mars, du corps sans vie d’une étudiante dans un barrage hydraulique à Tiaret. La jeune fille avait été assassinée dans des conditions non encore élucidées. Ces deux évènements ont choqué les Algériens. Le suicide touchait jusque‑là des adultes. À Tiaret, la mort de l’étudiante a été suivie d’un kidnapping avorté d’une autre étudiante retrouvée par des habitants d’un petit village ligotée et bâillonnée.
Aucun haut responsable ne s’est déplacé sur les lieux, ni à Tizi Ouzou, ni à Tiaret, pour rassurer les parents des victimes et les habitants. Aucun parti politique n’a daigné rédiger un communiqué pour condamner ces actes et apporter son soutien moral aux parents des trois écoliers de Tizi Ouzou. Le mépris total.
Autre exemple qui illustre le décalage entre la société et les partis politiques : la manifestation organisée en début de semaine devant l’APN par des militaires à la retraite, qui étaient sous les drapeaux pendant les années noires du terrorisme, a été passée sous silence par les partis politiques. Plus grave, ce jour-là, l’Alliance de l’Algérie verte a organisé une conférence de presse à l’hôtel Essafir, à deux pas de l’APN. Aucun des trois partis concernés – MSP, El Islah Ennahdha – n’a réagi quant aux revendications des manifestants. Les partis politiques n’accordent plus aucune importance aux grèves, manifestations, émeutes, routes coupées… devenues quotidiennes en Algérie.
Pourtant nos politiques peuvent s’inspirer des comportements des partis politiques dans d’autres pays. La Belgique a décrété une journée de deuil suite à la mort d’une vingtaine d’écoliers dans un accident de la route en Suisse. En Algérie, les accidents de la route n’émeuvent plus personne ! En France une minute de silence a été observée à la mémoire des trois enfants tués devant une école à Toulouse. Cette tuerie a suscité des réactions du chef de l’État français, de ses ministres, des partis de l’opposition et des candidats à la présidentielle.
En fait, les partis politiques algériens sont concentrés sur un seul sujet : les législatives. Par égoïsme politique, ils se sont retranchés depuis près de trois mois dans leur QG, s’isolant complètement de la société, pour finaliser leurs listes électorales, celles qu’ils présenteront au peuple durant la campagne électorale. L’unique point qui inquiète le pouvoir et les partis est le taux d’abstention. Chacun avance ses arguments pour inciter les gens à aller voter. On fait le parallèle entre le scrutin et le déclenchement de la Guerre de libération. On fait craindre aux Algériens une ingérence étrangère ou encore un retour aux années quatre‑vingt‑dix en cas de boycott massif mais aucun effort n’est réalisé sur le terrain pour réconcilier le citoyen avec la classe politique. Le décalage est total.
Achira Mammeri
22 mars 2012
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