Algérie profonde
Jeudi, 29 Mars 2012 10:00
Bréves de l’Ouest
Par : Correspondants
60 cas de suicide par immolation ont été enregistrés l’année dernière et six autres cette année au service des grands brûlés relevant du CHU d’Oran. Les victimes dont l’âge varie entre 16 et 65 ans se sont immolées par le feu après s’être aspergées d’essence. Après leurs hospitalisations, les admis n’ont pas résisté à leurs graves brûlures et ont rendu l’âme. Des enquêtes ont été déclenchées pour déterminer les réelles causes du suicide. Dans le même registre, deux tentatives de suicide par immolation ont été recensées cette année. Les victimes sont prises en charge dans le même pavillon. Il s’agit de deux hommes âgés de 30 et 37 ans, habitant respectivement Hassi Bounif et Tiaret, brûlés au second degré. Notons que les deux victimes sont toujours hospitalisées. De son côté, le service des urgences a enregistré l’année dernière 817 cas de tentatives de suicide. Les admis tentaient de mettre fin à leurs jours en ingurgitant des produits toxiques ou par intoxication médicamenteuse. Des enquêtes ont été entamées pour découvrir les causes de ces actes.
Bounouara Nawel
29 mars 2012 à 21 09 24 03243
Dans un long article publié par Foreign Policy, un chercheur américain rattaché à l’Université de l’Alabama, Adam Lankford, dit qu’il ne faut pas prêter trop rapidement d’intentions politiques précises aux personnes qui ont tenté de s’immoler. Plusieurs d’entre elles, souligne-t-il, n’ont laissé aucun document ou message pour préciser le sens de leur geste. Or, ils l’auraient certainement fait s’ils avaient visé à organiser sciemment une «protestation politique».
Bien que ces actes puissent revêtir après coup une portée symbolique importante, ils peuvent être d’abord et avant tout le reflet de prédispositions suicidaires, selon lui.
Les liens entre politique et suicide demeurent quand même significatifs, dit-il. «Un gouvernement est au moins partiellement responsable de la santé psychologique de sa population. Quand les citoyens perdent foi dans leurs dirigeants, dans le caractère juste et équitable du système, dans leur capacité de surmonter l’adversité, ils perdent espoir, et le désespoir est l’une des causes de suicide les plus fréquentes.»
adapté de: Marc Thibodeau / La Presse
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29 mars 2012 à 21 09 23 03233
«Les événements là-bas ont révélé les souffrances d’une grande partie de la population des autres pays arabes en raison de l’exclusion économique, politique et sociale», souligne M. Prakzad.
Dans le quotidien algérien El Watan, une psychologue, Nacéra Sadou, souligne que l’immolation par le feu doit être vue comme une tentative «de se réapproprier le droit d’apparaître, une façon d’exister, de dire «je suis là»» dans une société muselée. L’autodestruction devient la seule manière de «s’exprimer puisque l’accès à la parole est impossible», dit-elle.
Dans la même veine, le président du mouvement citoyen tunisien Byrsa, Selim Ben Hassen, a expliqué que l’immolation constitue un désaveu ultime du gouvernement: «La personne qui se suicide dit qu’elle ne croit même plus à la capacité des dirigeants de l’aider.»
Un désaveu extrêmement puissant politiquement et difficile à contrer, au dire de Rodger Baker, du centre de recherche privé américain Stratfor. «L’immolation renvoie intrinsèquement à l’idée du martyre. Elle signifie que l’on est prêt à s’infliger de grandes douleurs pour les autres ou pour la cause», souligne-t-il.
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29 mars 2012 à 21 09 23 03233
Les médias du monde arabe font état presque chaque jour de nouvelles tentatives d’immolation par le feu, illustration du désespoir que ressentent nombre de citoyens d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
Karim Prakzad, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques de Paris, relève qu’on n’a jamais vu une telle vague de tentatives de suicide dans le monde arabe: «Les moines bouddhistes s’immolaient par le feu pendant la guerre du Vietnam. On a aussi vu beaucoup de femmes faire la même chose en Afghanistan. Mais rien de tel dans les pays arabes.»
L’interdit absolu qui frappe le suicide dans l’islam renforce encore la symbolique des tentatives des dernières semaines, note M. Prakzad, qui lie directement ces actes à la révolution tunisienne. Il insiste cependant sur le fait qu’il est impossible de savoir exactement ce qui se passait dans la tête des personnes concernées.
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29 mars 2012 à 21 09 23 03233
Comme forme de protestation, l’auto-immolation n’est pas seulement ancienne, mais d’actualité (on pense à Mohamed Bouazizi en Tunisie) et toujours dramatique. Le plus vieux cas recensé date de 1936.
Pour la période de 1963 à 2002, l’année 1990 a été la pire alors que 227 personnes se sont immolées. Il faut noter que de ce nombre, 223 étaient originaires de l’Inde et que leur geste de protestation concernait l’inéquité envers les castes basses.
Durant la même période, l’Inde a connu le plus grand nombre de gens immolés (47.8% du total), suivie du Vietnam (17.3%), de la Corée du Sud (8.1%) et des États-Unis (5.4%). D’autres pays et peuples se partagent les 114 autres cas sur un total de 533.
sources:
aa-1177.blogspot.com english.hani.co.kr (site Internet du journal sud-coréen The Hankyoreh dont la mission journalistique est de représenter les points-de-vue du peuple autant que de défendre la liberté de la presse)
“Making Sense of Suicide Missions”, ed. Diego Gambetta, Oxford University Press, 2005 (données de Michael Biggs)
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29 mars 2012 à 21 09 22 03223
Je ne saurais me taire. Je ne saurais être indifférent.
Aujourd’hui un cinquième homme tunisien s’est immolé par le feu.
Il avait 55 ans. Il vivait à Bizerte.
C’est le cinquième citoyen tunisien qui fait de même en une semaine, après celui de Sidi Bouzid, de Gafsa, de Jendouba et de Seliana.
S’immoler par le feu est la pire manière de mettre un terme à sa vie. Le plus douloureux, le plus spectaculaire, le plus effroyable des suicides !
La combustion de la peau. Les récepteurs cutanés qui adressent des messages au cerveau pour lui dire de faire souffrir cet être désespéré. Puis, une douleur intense. Enfin, la mort dans d’atroces souffrances.
Il est des gens qui ont le culot de prétendre que des « partis » malintentionnés ont donné de l’argent à ces personnes pour qu’ils s’immolent afin de saboter le gouvernement. C’est tellement ridicule que je n’ai même pas envie d’y répondre.
L’immolation est un fléau en Tunisie. Depuis Bouazizi, un certain 17 décembre à Sidi Bouzid et Abdessalem Trimeche en mars 2010 à Monastir et même bien avant.
Monsieur le président intérimaire, en dépit de vos prérogatives limitées, je m’adresse à vous ! Faites quelque chose ! Arrêtez l’hémorragie ! Notre peuple brûle !
Un an après la révolution, si on peut s’exprimer plus librement, les pauvres sont encore aussi miséreux. Les chômeurs sont encore à la recherche d’une dignité.
On a tendance à oublier que ce n’est pas pour un « problème d’identité » que le peuple tunisien s’est insurgé. Ce fut plutôt une révolution de la dignité, de la liberté et de la démocratie, même si certains ont tendance à s’efforcer de nous faire croire autre chose.
Monsieur le sixième calife, le corps de notre peuple est calciné ! Contrairement à ce que vous pourriez le penser ou même avancer dans votre démarche systématisée de perpétuelle victimisation, ces pauvres déshérités ne le font pas pour nuire à votre « honorable » parti ni à votre courant « légitime », ces gens là sont justes à court d’arguments pour rester en vie, au point qu’ils acceptent d’investir cette immense douleur de rôtir pour peu qu’ils aient leur quart d’heure de gloire et qu’ils en finissent à jamais avec cet interminable calvaire qu’on appelle communément la vie.
Comment trouver le sommeil quand on sait que le peuple tunisien est carbonisé dans le Centre des Grands Brûlés de Ben Arous ? Comment savourer la vie quand on sait que d’autres sont prêts à autant de sacrifices pour communiquer la douleur qui les habite ? Comment garder son calme quand notre peuple s’embrase ? Quand sa flamme se consume ? Quand ils sent le cramé ? Quand il voit ses ambitions incendiées ?
Essayez d’imaginer le séisme émotionnel que peut vivre un chômeur avant de passer à l’action!
Hommage à tous les corps carbonisés ! Hommage à tous les espoirs cuits à point ! Hommage à toutes les flammes qui tourmentent nos âmes ! Hommage à la révolution qui a eu lieu pour que ces gens reprennent gout à la vie et qui a vraisemblablement failli, un an après son initiation ! Hommage à Abdessalem Trimech et à Mohammed Bouazizi ! Hommage à tous ceux qui sont partis dans la douleur ! Hommage à tous les miséreux, à tous les nécessiteux, à tous les pouilleux, à tous les pauvres, à tous les indigents !
Je déplore tous mes compatriotes qui n’ont pas de quoi manger, de quoi couvrir leurs enfants, de quoi subsister, de quoi exister… Excusez ceux qui minimisent votre souffrance et qui réduisent vos immolations à des sauvageries qui n’ont d’autre but que de nuire à un parti ou à un gouvernement !
Hommage à ces partis politiques qui oublient les héros de la révolution et qui ne comprennent pas comment un peuple dont la détresse est évidente en arrive à cracher sur la langue de bois, la brûle et se jette dans ses flammes.
Reposez en paix. Vous avez vécu comme des moins que rien, j’espère que dans l’au-delà vous serez mieux servis…
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