Nordine Mzalla
Ce matin encore, comme presque chaque jour que Dieu fait, de grands axes routiers étaient fermés à la circulation dans la wilaya de Béjaïa, au cours d’actions de protestation menées par des citoyens visiblement exaspérés. Hier, on signalait une immolation dans l’ouest du pays, aujourd’hui une tentative d’immolation à Tiaret… Pendant ce temps les pouvoirs publics font comme si de rien n’était et gèrent, avec une sérénité époustouflante, les affaires de la Cité en ébullition. Il faut dire que cela fait des mois que cela dure et que l’État, dans ses segments de proximité, semble s’accommoder des turbulences sociales qui empoisonnent la vie des citoyens, otages à tour de rôle de la colère des autres.
Pire, aucune formation politique ne montre d’intérêt pour les cris stridents de la rue qui affiche bruyamment son insatisfaction quant à la prise en charge des doléances citoyennes par l’administration en échec chronique sur le plan de la communication. On se souvient qu’au lendemain du 5 octobre 1988, la mouvance islamiste avait su récupérer la révolte populaire, que les militants de gauche qui évoluaient dans la clandestinité tentaient de contrer la manœuvre des barbus, que le parti unique et les services de sécurité s’appliquaient à renverser la vapeur pour des marches en soutien au président de la République. Quelle belle époque, serions‑nous tentés de penser aujourd’hui que plus personne ne désire gagner les faveurs du petit peuple qui proteste ! Pour preuve, même les partis politiques de l’opposition évitent de se rapprocher de la protesta. Comme par peur qu’elle ne se retourne contre eux comme le suggère le discours récurrent enracinant le discrédit général qui frapperait les politiciens. Un discrédit qu’une nouvelle chaîne de télévision, émettant de l’étranger, vient alimenter par des micro‑trottoirs aux accents franchement démagogiques. Des réactions vives où seul le premier magistrat du pays s’en tirerait curieusement à bon compte face à la vindicte populaire.
À qui la faute ? Force est de constater que les médiateurs sociaux ont trop longtemps boycotté les citoyens pour leur reprocher soudainement leur bouderie déterminée. En Algérie, plus qu’ailleurs, dans une nation longtemps égalitariste, la division entre ceux d’en haut et ceux d’en bas risque d’exploser à la figure d’une élite dont la réussite fait l’objet d’un procès public. Un réquisitoire devant une sorte de tribunal populaire qui pourrait rattraper tout le monde tant les nouvelles fortunes passent pour suspectes aux yeux des moins chanceux. À quelques pas des urnes, l’amertume légitime des uns et l’autisme des autres n’augurent rien de bon pour la démocratie.
Routes coupées, émeutes, immolations…
12 avril 2012
EMEUTES -COLERE -MANIF, TSA