Une ville, une histoire
Si l’Algérie m’était contée (17e partie)
Par K. Noubi
Légende n Comme la route a été longue et que les gens comme les bêtes commencent à se fatiguer, on observe un arrêt.
Nous achevons cette série de contes du M’zab par la légende de la fondation de la ville de Ghardaïa. Selon la tradition, Ghardaïa est la troisième ville construite au M’zab. Elle aurait été fondée en 448 de l’hégire (1058), après El-Atteuf (Tajnint en berbère), fondée en 402 (1012) et Bounoura (At Bunur), fondée en 437 (1019). Les populations, qui ont fondé ces villes et les quatre autres de la vallée, avaient fui Tiaret (tihert), l’ancienne place forte des Ibadites), après que celle-ci est tombée aux mains des Fatimides. Chaque cité a été fondée par un chef de tribu ou un religieux. Dans le cas de Ghardaïa, on en cite trois : Baba Uljemma, Aïssa U’âlwan et Baba Sâad. Mais la légende, elle, a une autre version des faits…
La légende raconte qu’il y a longtemps, très longtemps pour qu’on se rappelle la date exacte, il n’y avait rien à l’emplacement de Ghardaïa : juste une butte, qui se détachait à l’horizon, dans l’immensité aride du désert.
Les caravanes qui venaient du Tell pour se rendre à Ouargla empruntaient la route. Parfois, elles faisaient une halte dans la région parce qu’il y avait, dit encore la légende, des points d’eau où on pouvait s’approvisionner.
Un jour, une caravane passe par là. Comme la route a été longue et que les gens comme les bêtes commencent à se fatiguer, on observe un arrêt. Le chef de la caravane fait aux voyageurs les recommandations d’usage :
— Ne vous éloignez pas, vous risqueriez de vous perdre dans le désert !
Parmi les gens du voyage, il y a une jeune femme d’une grande beauté. La légende ne dit pas pourquoi elle voyage et surtout seule. A cette époque, en effet, et aujourd’hui encore, les femmes, au Sahara, voyagent toujours accompagnées, soit par leur mari et, si elles n’en ont pas, par leur père, leur frère ou un parent très proche.
Une version de la légende laissera entendre que la femme en question était enceinte et que sa grossesse était illégitime. Elle aurait été séduite par un homme qui l’aurait abandonnée. Peut-être alors, sur ordre de sa famille, avait-on décidé de la conduire dans le désert pour la perdre. A l’époque, on mettait à mort les coupables, mais on pouvait aussi les bannir, ce qui était une autre forme de suppression…
Mais cette version est contestée et on pense que Daya – c’est le nom que l’on donne à la femme – était seulement en voyage.
C’est une femme de caractère qui sait se faire respecter. Elle a ses provisions et n’a besoin de parler avec personne.
Mais voilà qu’elle a épuisé ses réserves d’eau. Elle a soif et prend sa gourde. Elle est vide.
Elle regarde autour d’elle. Elle pouvait solliciter l’aide des hommes, mais elle préfère se débrouiller toute seule. Elle prend son récipient et s’engage dans le désert à la recherche du précieux liquide.
Femme du désert, elle connaît les endroits où elle doit en trouver. Elle repère un point d’eau, en boit et remplit sa gourde. Puis, elle rebrousse chemin. elle n’a averti personne qu’elle quittait la caravane. Il faut se hâter de la rejoindre. (à suivre…)
K. N
12 avril 2012
Extrait