Sous Le parasol
Publié le 11 juillet 2012
En ces instants fatidiques, quand, entre chiens et loups, la halqa devient endiablée, le vrai sage est celui qui sait retirer, à temps, son bendir. Ainsi parlait souvent cet ami dramaturge disparu, qui a su faire de ces éléments deux vecteurs majeurs de son théâtre. Un précieux espace et un instrument percutant, quoi de mieux pour soutenir son art de raconter les choses, belles et moins belles, du terroir ? En bon élève, j’ai moi aussi décidé de suivre cette sage voie. Cherchant autour de moi un champ d’application pour éprouver la véracité de la sagesse, je n’ai trouvé, en cet été flamboyant, que cet appel au boycott lancé par des consommateurs pour faire baisser les prix des viandes. Par association d’idées, j’ai abouti à la conclusion qu’une réunion de consommateurs mécontents ne peut être qu’une halqa endiablée. Et les bruits faits autour de la grève de produits carnés ne peuvent sortir que de bendirs habités. Alors, j’ai décidé de boycotter…le boycott en recourant à une désobéissance civile et personnelle. Oui, Môssieur, parfaitement, une désobéissance civile et privée ! C’était ma façon à moi de retirer mon bendir de cette halqa collective. D’ailleurs, de tout temps, il a été prouvé que tout ce qui est collectif nuit à l’individu. Ainsi qu’à son bien-être et sa santé morale. Si vous voulez une preuve, faites un tour dans les cités dortoirs qui essaiment à travers le pays. Saletés, tapages, vieux jouant aux dominos et enfants dans les « cages » d’escalier sont les traits dominants de ces ensembles froids où chacun vit seul, dans son coin…Bref, et pour en revenir à la grève du couffin, pour bien me prouver que je me retire de la halqa, j’ai entrepris de casser ma précieuse tirelire, gardée pour faire face aux jours sans. Ensuite, je me suis dirigé vers la boucherie la plus proche pour m’approvisionner en colliers de poulet. Et là, consternation : même pas une queue de poulet de Médéa en vue ! Et encore moins de restes de moutons de Sougueur. J’ai dû faire, ainsi, plusieurs boucheries. Nada, rien, pas même des abats de poulette. A croire qu’une razzia a visé les boucheries de la ville. J’ai alors pris mon courage à deux mains pour demander à l’un d’eux : « D’habitude, à cette heure, on trouve de la viande chez vous. Vous faites grève ou quoi ? ». Et le mastodonte, couteau entre les dents et tablier par-dessus l’épaule, de me rire au nez : « Mais c’est vous qui faites grève, vous ne le savez pas ? » Et alors ? « Alors, les futurs grévistes sont tous passés aux provisions. Ce qu’ils n’achèteront pas demain, ils en ont acheté par quintaux, aujourd’hui… ». Habituellement, je comprends les subtiles gymnastiques de mes compatriotes, mais, là, j’étais vraiment bluffé. Et soudain, je me suis rappelé : et si, tout comme moi, eux aussi ont voulu essayer la sagesse du dramaturge disparu et retirer leurs bendirs…
A. A.
http://www.horizons-dz.com/?El-halqa-oua-el-bendir
18 juillet 2012
Sougueur