Des dizaines, voire des centaines de citoyens de Frenda, à une cinquantaine de «bornes» à l’ouest de Tiaret, se sont révoltés ce lundi, contre la confusion qui a émaillé la distribution des colis alimentaires dégagés pour approvisionner les ménages démunis en cette période de Ramadhan. En effet, las d’attendre vainement, sous un soleil de plomb, d’avoir cette « ration de la honte», ces derniers ont forcé les portails des locaux de l’EDIPAL, où sont stockés ces produits, avant de s’y infiltrer et de rafler tous les produits emmagasinés, à savoir des centaines de colis alimentaires et des produits appartenant à l’établissement, dont des denrées alimentaires et des appareils électroménagers de toutes gammes. La situation a ainsi pris une telle ampleur qu’elle a nécessité l’intervention des forces de sécurité. Suite à quoi des affrontements entre policiers et citoyens ont eu lieu durant près de deux heures pour faire plusieurs blessés parmi les policiers, dont un officier évacué à l’hôpital. Dès lors, l’importante foule ne cessait de scander la présence sur les lieux du maire qui devait s’expliquer sur la manière avec laquelle sont distribués ces colis alimentaires.
A travers leurs slogans, les manifestants ont paraphrasé que la véritable anxiété, à Frenda ou ailleurs, c’est le chômage, la précarité, l’incertitude de l’avenir et les pratiques d’une autorité chauffée à blanc par un pouvoir oscillant entre populisme et relent d’extrême affairisme. « Ceux qui ont bénéficié de cette ration sont ceux jouissant d’un cadre social aisé, alors que les vrais nécessiteux ne sont vus que d’un regard d’aveugle», nous affirmera l’un des protestataires qui n’a pas manqué de s’indigner devant le mutisme du principal élu de la commune qui n’a même pas eu la bienveillance de recevoir les citoyens venus se plaindre à cet effet. Ce contresens qui se généralise, depuis le début du mois de Ramadhan à toutes les communes et quartiers de la wilaya , est dû, selon certains autres citoyens, à l’inconscience des responsables concernés qui ne cessent de casser des pistaches sur la tête des pauvres chefs de familles. Une situation pour le moins critique qui présageait déjà un tel climat qui était prévisiblement voué à la violence et l’affrontement. Cette implosion de violence n’est alors que l’expression d’un affrontement et d’une révolte, consciente ou plus souvent inconsciente, contre un système qui marginalise socialement, qui exclut dans l’accès aux richesses produites et qui fabrique chaque jour un peu plus de misère et de précarité. Autrement dit, pourquoi ces déséquilibres ne touchent que les malheureux, alors que ceux qui ont l’habitude d’en profiter ne sont jamais confrontés à une telle calamité ? «Bien sûr, ces implosions de violence ne résoudront rien et ce n’est pas une solution que de s’en prendre aux équipements publics utiles à toutes et tous ou porter atteinte à la liberté d’autrui ; nonobstant, l’autorité compétente est interpellée pour résoudre les problèmes cruciaux auxquels sont perpétuellement confrontés les citoyens », tenait à s’exprimer un autre protestataire. « Le gargarisme sémantique est la seule thérapie qu’a trouvée la classe politique pour cacher aux yeux de tous son impuissance. Ces professionnels du discours rivalisent de formules «républicaines » pour montrer qu’ils ont la situation « sous contrôle ». Pourtant, l’usage de ces mots, de ces termes, tient plus de l’incantation que de la réalité d’une volonté d’action. En effet, un mot n’est qu’un mot, mais il ne doit pas s’acheminer vers des maux », ajoutera un autre ayant l’allure d’un notable. Néanmoins, ces affrontements sont l’expression d’une jeunesse populaire de banlieue réunie par le fait d’être soumise à la précarisation générale de la société, l’incertitude de l’avenir et la criminalisation sociale. Cependant, croire que les institutions locales, à travers la ville de Frenda ou ailleurs à travers tout le territoire de la wilaya, sont des « sanctuaires » coupés de la société et de ses problèmes, c’est faire le choix de « la politique de l’autruche » ou accepter implicitement les choix sociétaires antisociaux et inégalitaires des classes dirigeantes actuelles. Les instances élues ne sont que le reflet de la société qui les entoure et toutes les plus belles idées et pratiques nationalistes, émaillées de civisme, seront limitées par la reproduction sociale et la société de classes.
26 juillet 2012
Courrier d'Algérie, EMEUTES -COLERE -MANIF, FRENDA, M. Zouaoui