Actualités algérienne -L’Algérie n’est pas la France

Bien souvent dans les discours officiels nous avons entendu cette phrase :

— L’Algérie c’est la France !

- Eh bien non, l’Algérie n’est pas la France. On aura beau bâtir au Nord de l’Afrique des immeubles qui ressemblent à ceux de Nantes, Montauban ou Pézenas, on aura beau sur les monuments publics faire flotter le drapeau aux trois couleurs on aura beau même graver sur leur fronton la noble devise qui est aussi bien celle.de la France que celle de la République, tant qu’il y aura, de la Calle à Nemours, 5 millions d’arabes  au milieu desquels sont: comme noyés deux à trois cent mille Français, l’Algérie ne sera pas la France.

Et la preuve que l’Algérie n’est pas la France, c’est qu’il se commet en Algérie un genre de crimes qu’on ne cônnait pas eh France.

Si en France vous avez un ennemi et que vous vouliez vous en défaire par l’assassinat vous seriez obligé d’opérer vous même.

Vous ne vous risqueriez pas à aller trouver un individu de mauvaise réputation pour lui dire : — Si vous voulez m’aider à me défaire d’un tel il y a telle somme pour vous.

Si vous agissiez et si vous parliez ainsi, il est infiniment problable que l’individu à qui vous proposeriez ce mauvais coup refuserait tout net et qu’il irait vous dénoncer par surcroit

Si cependant vous étiez tombé sur une nature d’exception,  sur un chenapan capable de tuer un homme pour de l’argent : et s’il tuait réellement celui que vous lui désigneriez, le misérable devrait préparer et perpétrer son crime dans le plus  grand secret,  Il saurait qu’il y aurait pour   le découvrir et pour le châtier une entente générale et s’il fuyait personne ne lui donnerait asile.

• En Algérie, il n’en va pas de même.

Si vous avez besoin d’un de ces bravis qui au moyen âge, dans les petites républiques italiennes louaient leur poignard au plus offrant, vous en trouverez autant que vous en voudrez.

• Vous allez touver Kaddour, Ali ou Ahmed et vous lui dites:

— Tu connais un tel de tel endroit!

— Oui. Eh bien, si un soir d’une balle ou d’un coup de couteau tu peux l’étendre à terre, il y aura mille francs pour toi. Et pour commencer voici cent francs à titre d’arrhes.

Il y a gros à parier que Kaddour, Ali ou Ahmed acceptera et qu’avant deux semaines le menuisier du village devra prendre la mesure du vêtement de sapin que votre ennemi revêtira pour son grand voyage.

Un soir de la semaine dernière à Durandboufg, près de Guelma. un jeune ingénieur M. Bachelay, -neveu de M. Marcel La vie, était assis dans sa demeure avec àa femme et sa fillette .

La fenêtre était ouverte et sa silhouette se détachait crûment dans la lumière de la salle à manger. un bandit était embusqué à dix mètres de là ; un bandit qui n’avait absolument rien à craindre car d’abord l’ombre  le protégeait et l’endroit était complètement désert. Si cependant il était surgi quelqu’un, et si ce quelqu’un avait vu l’embusqué, à moins de le suprendre épaulant son fusil et faisant feu, qu’aurait-il pu dire?.. Mais avant de tirer le misérable s’assura qu’il n’y avait personne. Il tira et M. Bachelay tomba. – Quand on le releva ,il avait cessé de vivre .

On lui a fait des obsèques imposantes,- la consternation et l’indignation se traduisirent dans des harangués où on célébra ces qualités d’homme et de citoyen. On parla du bel avenir qui lui était réservé et on flétrit le crime abominable qui avait: anéanti la joie d’un foyer et ses espérances.

Pendant ce temps l’assassin ricane ; il sait qu’on ne le découvrira jamais. On ne le découvrira pas parce que toute une région est tacitement complice. Quand on fera des recherches, quand on interrogera tous les individus d’un douar, ils répondront par ces mots qui résume dans la froideur apparente avec laquelle il est prononcé, tant d’ironie haineuse.

— Manarf… (Je ne sais pas!)

— Je ne sais pas telle est la phrase qu’on a entendu dans vingt instructions ouvertes à la suite de vingt crimes exactement semblables à celui d’hier et qui, depuis quelques années ont ensanglanté le département de Constantine.

On n’a jamais trouvé les assassins et on ne les trouvera jamais

- Pourquoi ? Parce que ainsi que je vous l’ai dit, l’Algérie n’est pas encore la France, et que l’on y commet cette erreur de rechercher les assassins exactement comme on les recerche en France ; alors qu’on les trouverait toujours, si on s’y prenait d’un autre façon.

Paul D’ATYS

L’ECHO DE Tiaret  Journal républicain .

Organe des intérets de la région tiarétienne et du Sersou , paraissant le dimanche

dimanche 18 septembre  1910 4ème année N° 147

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