Le dossier du jour Edition du 15/10/2009
Sur les traces de Hamimi
Tradition : La harga a toujours existé en Algérie et surtout pendant l’occupation française. Pas avec la dimension et la surmédiatisation qu’on lui connaît aujourd’hui, mais presque.Pour fuir les bombardements de l’aviation française et les exécutions sommaires dans l’arrière-pays, de nombreuses familles ont traversé clandestinement, la nuit, les frontières pour s’installer au Maroc à partir de Oujda ou en Tunisie à partir de Ghar Eddim. Non sans peine bien sûr car tout était piégé sur le trajet. Quelques-uns ont malheureusement sauté sur des mines, en y laissant un bras ou une jambe et d’autres y ont laissé la vie. Il n’y avait que cette filière d’évasion, tout aussi dangereuse qu’une mer démontée, pour échapper à la barbarie des soldats français. Une autre forme de harga existait avant la Révolution, plus discrète, moins voyante, mais tout aussi efficace, l’émigration vers l’Egypte. C’est une page méconnue de note histoire et même pas connue du tout. Pourquoi spécialement l’Egypte ? Pour deux raisons essentielles : la première est d’ordre politique et la seconde d’ordre géographique. C’est au Caire, en effet, que les premiers balbutiements des mouvements de libération des peuples islamiques ont commencé à germer dans les cercles nationalistes. Indépendamment de quelques ulémas partis discrètement s’installer au bout du Nil pour parfaire leur science du fikh et y mourir, le premier harraga connu est un certain Hamimi, natif de Tiaret. Il bouclera ses valises et vendra tous ses biens en 1930 et rejoindra prudemment le Caire. Par quel canal ? Nous ne le savons pas, mais certainement par le biais de passeurs patentés. Il mourut en 1948 au-dessus du Pakistan dans un crash d’avion qui le menait en Union soviétique où il devait participer à un congrès international sur le Tiers-monde. D’autres le suivront au pays des pharaons comme les deux frères Tassa de M’dina el-Djedida. Il y en aura d’autres au cours de la Révolution. Quant au côté géographique que nous soulevions plus haut, il est évident, il nous semble : le trajet est cent pour cent terrestre, il n’y a ni fleuve ni mer à traverser, donc aucun obstacle naturel qui freine le projet. Un livre a été consacré à la vie et à l’aventure folle de Hamimi par A. Belkhodja, un chercheur de talent. Emigration Sud-sud n Il existe une harga dont on ne parle jamais parce qu’elle n’a jamais été médiatisée et qui pourtant a été importante. C’est la harga sud-sud à l’inverse de l’actuelle émigration clandestine qui va toujours du sud au nord. Il s’agit d’Algériens établis au bout du désert et qui ont décidé dans les années 1950 de s’établir au Niger, entre autres à Niamey. Pour échapper au massacre colonial, ils sont arrivés à leurs fins grâce à des nomades et des caravaniers qui connaissaient parfaitement le terrain. Il y avait aussi l’aubaine qu’offrait le pèlerinage. Chaque année, à la fin des rituels du hadj, des Algériens faussaient compagnie à leurs encadreurs pour aller se réfugier dans les pays voisins et parfois même en Palestine. L’essentiel était qu’ils n’entendent plus parler des Français. I. Z.
21 août 2012
Ali Hamami