Accueil - Dans son minuscule cabinet, les musulmans qui se sentent en confiance avec elle se bousculent.
Elle est née dans la petite Kabylie, de parents aisés et ouverts au monde.
Après de brillantes études au lycée d’Alger où elle obtiendra son baccalauréat, elle sera immédiatement dirigée vers l’Institut d’études paramédicales, l’université de médecine étant fermée aux musulmans, à quelques rares exceptions près.
Elle deviendra sage-femme et sera même la mieux notée de sa promotion. Nous sommes dans les années 40.
Au bout de quelques années de mariage, avec un certain Hamidou, son mari décède. Elle n’a pas d’enfants et découvre dans la foulée qu’elle ne peut pas en avoir.
Pour faire face aux nombreuses sages- femmes européennes qui venaient chaque année sur le marché, l’administration française la mute, pour des raisons de nécessité, à Tiaret.
C’est la première Algérienne à occuper un tel poste. Les médecins pieds-noirs la regardent de haut et refusent de l’intégrer dans leur milieu.
Madame Hamidou en a vu d’autres dans la capitale.
Dans son minuscule cabinet, les musulmans qui se sentent en confiance avec elle se bousculent.
Au bout de trois ans d’exercice, elle donnera toute la mesure de son talent. Les toubibs prétentieux de la rue Bugeaud se ravisent, lui demandent souvent conseil et parfois même lui envoient des cas compliqués.
Ce seront bientôt toutes les femmes enceintes de la ville qui défileront dans son bureau et sa réputation est telle qu’on viendra de très loin pour la consulter. Mais pourquoi les Tiaretis de l’époque se sont-ils tellement attachés à cette femme, au point que leurs enfants en parlent aujourd’hui ?
Indépendamment de sa compétence, Madame Hamidou était en fait une dame au grand cœur qui ne laissait personne indifférent.
Elle payait de sa personne dans les cas difficiles et assistait les cas les plus désespérés jusque dans les blocs opératoires de l’hôpital, quand il le fallait.
Ses consultations n’étaient pas tarifiées, on lui donnait ce qu’on pouvait et les patientes qui n’avaient pas les moyens en étaient exemptées.
A force de travail et de dévouement, elle a fini par forcer le respect des Européens. Les musulmans, qui en était fiers, l’adoraient.
A sa mort, elle sera pleurée par toute la ville, par tous les enfants qu’elle a mis au monde et qui ont grandi et dont elle reste la première maman, elle qui n’a jamais eu d‘enfants.
Abdenour Fayçal
21 août 2012
Tiaret