le 23.10.12 | 10h00
Coupés du monde de par l’absence de l’électricité, les villageois ne disposent même pas d’un centre médical pour les urgences et n’ont aucun moyen de transport pour rejoindre les centres urbains.
À l’extrême nord-est de la wilaya de Tiaret et aux limites territoriales avec la wilaya de Tissemsilt, blottie au pied de l’Ouarsenis, se trouve la tribu des «Touafez», une frange de celle plus grande qu’est les «Kraich» et son point de chute, M’Ghila, l’ex-Keria. Pour parvenir dans cette contrée montagneuse que traverse «l’oued Rhiou», il faudrait d’abord parcourir plus de soixante-dix kilomètres à partir de Tiaret, monter les tortueuses collines et prendre un chemin sinueux et escarpé qui descend aux abords de l’oued et de la source dont s’abreuvent les gens qui habitent les mechtas. Là, le terrorisme a fait des dégâts, beaucoup de dégâts et avec lui, un départ presque massif des autochtones qui le peuplaient. Notre visite sur les lieux ne fut pas une sinécure.
Au courant de notre présence, les gendarmes se sont déplacés sur les lieux pour s’enquérir de la situation tant la méfiance reste toujours vivace en dépit du décor majestueux dans lequel nous fûmes plongés mais aussi du calme absolu qui règne. Une méfiance qui ne semble troubler en rien la quiétude des vieux qui continuent vaille que vaille d’habiter ces mechtas perdues dans une nature à vous couper le souffle. «Ici, on ne manque de rien, sauf d’électricité», diront unanimes Hadj Affane, Benhelima, Bourebiaa, Boudjenah, Khendag et Boumerzouk du douar «Sidi Ahmed R’ha». L’école du douar, fermée depuis les années 1990, est habitée par cheikh Affane. Elle comprend deux classes mais reste debout. Une des deux mosquées n’est pas fonctionnelle. Les autres habitent dans des masures éclairées à la bougie. L’eau coule depuis la source dite «Aïn Mdad» d’où les femmes la puisent grâce à un seau suspendu.
Aucune trace d’enfants. Ces derniers ont été placés par leurs parents chez des cousins dans différents villages et surtout à Tiaret. Sebt, le chef-lieu de commune, à 15 kilomètres de là, est presque vidé de ses habitants. L’habitat rural a fait pourtant son apparition mais que faire quand l’électricité manque ? Les poteaux électriques restent les seuls témoins d’une époque où il faisait bon vivre. Les câbles qui desservaient cette contrée ont disparu. Ils ont été volés ou sabotés par les terroristes qui ont fait de la région une zone de transit. Certains pointent du doigt les voisins de l’autre côté de la route. Coupés du monde de par l’absence de l’électricité, il n’y a même pas où recharger sa batterie. Et que dire des urgences et des déplacements vers la ville puisque aucun moyen de transport ni véhicule ne pointe dans les parages.
Grace à une culture vivrière, les gens arrivent à subsister mais ont perdu espoir depuis que les promesses faites par certains responsables n’ont pas été concrétisées. Sur les flancs de montagne, il y a pourtant plusieurs espèces d’arbres fruitiers qui nourrissent. Avec le visiteur d’un jour que nous sommes, on partage volontiers une bonne galette d’orge et un bon café. Une hospitalité légendaire. Ces gens-là ont pourtant besoin qu’on les aide sinon à quoi sert de parler de renouveau rural si le minimum n’existe pas ? Ici, on vit comme aux temps immémoriaux. Si les gens n’ont pas quitté les lieux c’est qu’ils aiment cette terre nourricière.
La cinquantaine de familles disséminées ici et là à «Ouled Chehba, «Merarcha», «Ouled Sidi Abdelhadi», «Sidi El houari» gardent espoir qu’un jour les responsables au niveau central daignent leur prêter attention. Certains estiment la facture du rétablissement de l’électricité à seulement 13 millions de dinars. Est-ce trop demander aux gens d’une région qui a enfanté des centaines de martyrs et donné d’illustres hommes à l’Algérie ?
Fawzi Amellal
© El Watan
23 octobre 2012
EL WATAN, Fawzi Amellal.