Par : Slemnia Bendaoud
Si le ridicule tend souvent vers l’hérésie, l’appât du gain facile et irréfléchi conduit inévitablement ou irrémédiablement au crime gratuit et fortuit. En cette froide journée automnale, la capitale du Sersou aura été réveillée en sursaut ! Le Sersou fait-il ce saut dans l’inconnu ? Dans les abysses de la dignité humaine ? Tiaret est de nouveau à la «Une» des journaux ! Elle frissonne. Non de son climat, mais de son expectatif audimat. En effet, en cette période de froid de canard qui sévit dans la région, des apprenti-bouchers n’ont pu trouver mieux que de proposer aux riverains des blanquettes de baudet pour réchauffer le ventre à leur monde. Le problème de prix ne se posait donc même pas tant celui affiché défiait toute concurrence ! C’était à qui mieux pouvait en acquérir ou s’en offrir juste une bonne livre ! Ils en avaient eu pour leur argent, ces clients dupés qui allaient se doper de cette viande des équidés, liquidée par son agent, les cheveux gris-argent, au rabais du prix de celle bovine qu’ils pensaient en acheter. Le Sersou est connu au travers de son blé de qualité. Et Sougueur, fief du grand marché de la région, l’aura été grâce à la viande très prisée de son réputé bélier.
On y organisait, il n’y a pas si longtemps encore, deux fêtes dans l’année : celle du cheval et celle du mouton. Mais depuis, que de gâchis ! Que s’est-il donc passé dans l’esprit de ce monde agro-pastoral pour que l’on tombât aussi bas avec ces baudets dont l’abat en cachette ou à la série, vend à la sauvette, pour faire passer après leur viande pour celle dite bovine ? Manque-t-on à ce point-là de ces béliers d’autrefois qui faisaient naguère et encore hier la fierté de la région et du pays au milieu de leurs bellots près, abondamment fleuris, sinon juste de discernement et de rigueur dans la jugeote pour tomber si facilement pieds et poings liés dans ce panneau dressé par ces bouchers et chevillards d’un autre genre ? Nos véloces maquignons se sont-ils tous transformés en ces assassins-palefreniers d’aujourd’hui, pourfendeurs et charcutiers de notre cheptel d’origine asine ? Veulent-ils tous se pourlécher les babines des dividendes tirés ou soutirés de notre patrimoine équin national ? Qu’arrive-t-il à notre pauvre campagne pour sacrifier ipso facto toutes ces bêtes de somme, véritables voitures rurales d’antan ? Est-ce l’arrivée de l’automobile dans nos champs ?
Ce monde des Hauts-Plateaux, paysan jusqu’aux os, a-t-il pour autant à jamais perdu son flair manifesté à l’égard de la bonne chair des ruminants pour se faire aussi bêtement rouler et piéger par cette viande de bêtes d’équidés ? Des farces pareilles –le mot peut même paraître moins fort – pouvaient donc à la limite avoir lieu dans des chefs-lieux de grands départements comme Alger ou Oran, par exemple, au regard de leur méconnaissance des métiers relevant du monde agro-pastoral. Jamais dans des villes aussi rodées à ce genre de flatteries de mauvais goût (celui du produit vendu compris) ! Arriver jusqu’à faire à l’insu de la ménagère qui gère le foyer familial cette popote à base de la viande de baudet à la place de celle du cadet des bovidés, du benjamin des camelins, du plus beau des chevreaux, du dernier-né des antenais, de celui né bien tard de ces nombreux broutards, relève cependant de la grande tricherie dont l’humanité est tenue d’en faire l’économie, tenant compte des préceptes fondamentaux de notre culture et noble religion.
Ici, la supercherie objet de la tricherie sur l’espèce animale prend de l’espace et la dimension de la haute trahison en l’espèce. Le crime commis, lui, doit être châtié à hauteur du péché encouru, du préjudice causé, et des nobles règles humaines piétinées. Au moment où les prix des viandes galopent, on nous propose du baudet à la place du bovin ! Comme pour en atténuer le rythme de notre décadence ! Une idée géniale en quelque sorte. Et si Tiaret n’était, en fait, qu’un simple échantillon d’une très grande supercherie ? N’y a-t-il pas cette visible ou probable suspicion au bout de l’hameçon qui nous tend à distance ce gros morceau de viande à bas ou petit prix ? L’expérience a déjà été tentée par le passé. Le crime revient de nouveau et dans un autre lieu. C’est dire que les mécanismes de le combattre ne sont pas encore au point. La chaîne de télévision privée qui avait rapporté cette insolite information n’avait malheureusement pas donné plus de détails. Ce qui, par voie de conséquence, limite notre commentaire ou action. De fait, avec nos têtes aussi plombées, aussi mal redressées, très mal foutues, fainéantes et bien absentes, il ne manquerait plus que cette viande en sauce de baudet pour tout assaisonner et faire capoter cette intelligence de l’urgence qui nous reste encore bloquée dans l’esprit !
21 janvier 2013 à 00:29
24 janvier 2013
Chroniques