Saâd Moumen, Village de Médrissa, W. TIARET
Etre à la mode, suivre les dernières tendances vestimentaires et alimentaires, les derniers modèles (taupe modèle) de coiffure, se fondre dans la masse ou s’affirmer à travers un «look» bien particulier sont désormais des comportements relativement communs dans la société actuelle. Ce phénomène si difficile à expliquer fait actuellement ravage partout et particulièrement dans les rangs des adolescents, une génération très influençable et souvent en perpétuelle quête d’identité. A cet effet, l’on peut se permettre d’avancer que notre société progresse inexorablement vers un avenir qui comporte des contradictions mettant aux prises deux univers antithétiques où la vie rurale, difficile certes, mais combien saine et génératrice de bienfaits côtoie une vie urbaine tellement convoitée par de «nouveaux citadins» étouffés subitement par les tentacules d’une nouvelle assimilation modernisée. Ainsi, il n’est plus difficile pour le plus commun de nos concitoyens de constater et de vivre cette tragédie .Les familles grandes ou petites éclatent, se décomposent, se déchirent autant dans les campagnes que dans les villes, parfois même après un ou deux ans de coexistence, souvent avec des enfants en bas âge. C’est une véritable épidémie, qui provoque des meurtres, des suicides, et autres fléaux autrefois si étrangers aux Algériens. Faut-il déjà faire le deuil d’une Algérie en train de disparaître sous nos yeux impuissants et se résigner à accepter» la Macdonaldisation » comme une fatalité ? Certainement non puisque l’éducation existe. Mais quelle éducation pour l’enfant et l’adolescent algérien ? Celle-ci, il faut lereconnaître aujourd’hui, est autant négligée qu’en zone rurale qu’en ville. Et pis encore ! Les parents commencent étonnamment à ressembler, par leurs goûts et leur «consommation» culturelle, à leur progéniture, et semblent aujourd’hui aussi américanisés (ou universalisés) qu’elle. C’est ce dérèglement qui mine notre société et participe fatalement au pourrissement des mentalités et des comportements. A cet effet, il n’y qu’à voir les divers et drôles accoutrements de nos enfants des sexes, des tenues souvent impudentes et n’ont évidemment rien d’innocent. D’ailleurs, il n’est pas rare de constater que beaucoup de nos enfants (filles et garçons) portent volontiers des T-shirts frappés du drapeau américain, anglais, du signe NY, ou de quelques inscriptions anglo-saxonnes, et que dire de ces pantalons en Jean, qui tout en tombant à hauteur de la mi-fesse, laissent montrer outrageusement les dessous portés par ces ados, manifestement sous influence ! ce premier dépassement que même l’école autorise renforce la conception de ces jeunes quant à suivre une certaine éducation qui les entraîne aussi à s’initier à boire et à tester toutes formes de drogues. Ce début de décadence se muera rapidement en bouleversement pour prendre diverses autres déchéances aux niveaux humain, intellectuel, professionnel…le constat est là, à commencer par la disparition de la paysannerie et de la culture rurale en attendant le reste. C’est une chose irréversible qui est en train de se mettre en mouvement et qui se terminera bientôt, plus vite qu’on ne le pense. Cette forme de génocide se produit et se continue sans aucune révolte parce l’exode n’a pas été perçu comme un mal, au contraire, un grand nombre de campagnards gère la ville au jour d’hui. Néanmoins, c’est toute une civilisation qui subsistait, plus ou moins enracinée il y a quelques années encore mais qui s’éclipse peu à peu pour être complètement anéantie. Il n’y a pas si longtemps que cela, peu de gens possédaient une voiture ou un téléphone, ce qui obligeait de se rendre service. Aller rendre visite, une ou deux semaines, durant l’été, aux grands parents résidant au fin fond de la campagne, était considéré comme un devoir. Ces périodes de notre histoire ne reviendront jamais comme elles étaient et cependant, si l’on fait la part de l’aliénation provoquée par l’américanisation des esprits et des moeurs, il faut reconnaître qu’il existe dans le peuple d’en bas encore une partie, sinon intacte, du moins susceptible de réaction. La difficulté est de lui parler avec un langage qu’elle entende, et de lui donner l’envie et le courage de réagir, de combattre contre ces forces destructrices, sans pour autant recourir pour y échapper au fondamentalisme moyenâgeux qui lui aussi parait aussi pernicieux que les volontés libérales qui nous dictent nos comportements au nom d’une démocratie aussi élastique et utopique que le sont toutes les idéologies humaines. Enfin, d’aucuns sont unanimes que pour différencier entre appartenance et identité, il redonner à notre école son prestige car c’est la principale institution qui pourrait sauver la société des rouages d’une mondialisation pas aussi universelle qu’on le croit.
21 août 2014
Medrissa, Quotidien D-Oran (Le ), S.Moumen