DEUX SÉISMES EN UN SIÈCLE, LE PREMIER EN DATE DU 9 SEPTEMBRE 1954. PAR L’HISTOIRE GÉOLOGIQUE DE L’ALGÉRIE, LA VILLE D’EL-ASNAM, À L’OUEST D’ALGÉRIE, EST CONNUE PAR LES SÉISMES LES PLUS VIOLENTS DU PAYS. LA VILLE A CONNU DEUX VIOLENTS TREMBLEMENTS DE TERRE MAJEURS.
Le premier en date remonte au 9 septembre 1954, à 01h04 mn 37 s. L’intensité magnitude était de 6.7 sur l’échelle ouverte de Richter. Ce tremblement de terre a fait 1 243 morts et plus de 5 000 blessés. Le séisme a été suivi de plusieurs répliques. Selon les géologues et géophysiciens, le séisme fut le plus violent jamais enregistré en Algérie durant les cents dernières années. Avec une magnitude de 6,7 et une intensité à l’épicentre de X (échelle Mercalli), le séisme a fait plus de 5 000 blessés et plusieurs dizaines de milliards de francs (anciens) de dégâts. Quant à l’épicentre, il a été défini d’après la carte des isoséistes, il se situe à 36,28°N-1,47°E, dans les collines de Béni-Rached (une commune de la wilaya de Chlef en Algérie, située à 30 km au nord-est de Chlef et à 500 mètres d’altitude.), selon le chercheur Jean-Pierre Rothé (ancien directeur de l’Institut de physique du globe de Strasbourg). L’épicentre instrumental a pour coordonnées 36,25°N et 1,53°E. On peut considérer que la précision des localisations est de l’ordre de 10 à 15 km. La détermination absolue de l’épicentre a également été effectuée récemment par J. Dorel et G. Yielding et al. (1981) qui donnent respectivement : 36,22′N -1,57′E et 36,355°N-1,509°E. L’écart maximum entre ces différentes positions de l’épicentre est de 15 km environ. Enfin, la profondeur du foyer (macrosismique) est estimée à 9 km. D’importantes déformations de surface ont été relevées à Béni-Rached et Sidi-Djillali. A Béni-Rached, les cassures ont l’allure d’un fer à cheval avec un affaissement de 2 à 3 mètres ; le glissement s’est fait dans la direction de la vallée du Chéliff (vers le sud) (J.P. Rothé, 1955). Le violent séisme en pleine soumission à la colonisation française, a fait l’objet de la Une de plusieurs revues, journaux et magazine de l’époque. «-1954 – La France porte le deuil d’Orléansville ravagée», titre l’hebdomadaire «Paris Match» à sa Une du n°286 (du 18 au 25 septembre 1954). D’après les envoyés spéciaux Sylvere Galard – Michel Descamp- Izis – Maurice Jarnaux – Pierre Vals, « En quelques secondes, à Orléansville, dans la nuit du 9 septembre, 1 500 personnes sont tombées du sommeil dans la mort. Plus de 1 200 blessés ont été retrouvés sous les ruines de leurs maisons, détruites par le plus terrible tremblement de terre qu’ait jamais subi l’Algérie. 60 000 sans-abris Toutes les horloges se sont arrêtées, enchaîneront-ils, à 1h11’ du matin, marquant ainsi l’heure du deuil et de la ruine. Seuls les animaux eurent le pressentiment du désastre. Les pigeons tournoyèrent cette nuit-là sans se poser et les vaches cassèrent leurs longues pour s’enfuir dans la campagne. Pendant toute la nuit, les survivants errèrent dans les rues comme des somnambules. Et ce n’est qu’au matin qu’ils reprirent leurs esprits, comprenant du même coup l’étendue et l’horreur de la catastrophe. Même les Américains en ont parlé. Les Américains ont de leur côté parlé de ce violent séisme. En effet, dans le journal de la Nasa « L’Astronomie, Vol. 69, p.66. 02/1955», Malbos, J. a discuté le séisme d’El-Asnam scientifiquement. «Le 9 septembre 1954 (vingt ans après la destruction de Carnot, presque jour pour jour), se produisit le séisme qui devait détruire, en 12 secondes, les deux tiers de la capitale du Chéliff et de nombreux villages et douars environnants…La gare, l’église, le Palais de Justice installé depuis dans un wagon portant l’inscription à la peinture fraîche «Palais de Justice», l’Hôtel Beaudouin (un des meilleurs d’Algérie, comble cette nuit-là où il n’y eut que deux rescapés), l’hôpital moderne qui devait être ouvert incessamment, la prison civile, un immeuble H LM. de neuf étages, non encore habité, heureusement, mais où treize ouvriers endormis furent ensevelis, la poste dont le receveur, sa femme et son petit-fils, furent miraculeusement sauvés, la mairie, dont le maire, M. Biscambiglia, fit preuve de courage et de dévouement, s’écroulèrent comme châteaux de carte… » La terre a tremblé deux fois et a fait 1 500 morts dont 66 européens L’autre tiers devait être détruit, ajoutera le même chercheur, par la secousse du 16 septembre, à 22h20, en particulier la sous-préfecture s’effondrait, ensevelissant les archives et tout ce que possédait le sous-préfet, M. Debia. Mais il n’y eut pas de nouvelles victimes. La secousse du 9 septembre a fait près de I 500 morts (dont 66 européens à Orléansville même) ; la population indigène, plus nombreuse, a été la plus touchée. Heureusement, les secours furent rapidement organisés et les dons affluèrent de toutes parts, de l’Algérie, de la Métropole et de l’Étranger. La terre fut crevassée à Beni Rached (épicentre) en plusieurs endroits, fissures de 3 mètres de large sur z mètres de profondeur, s’étendant sur une douzaine de kilomètres. Il y eut plus de 300 morts dans cette région montagneuse. Les villages de Pontéba, Hanoteau, Platters, Les Heumis, Bougainville n’existent plus, ainsi que Carnot (l’actuel El-Abbadia dans la wilaya de Aïn Defla) déjà détruit en 1934 où seules certaines des constructions postérieures à cette date ont résisté. Oued Fodda, très éprouvé, compte 113 morts. Un second séisme mais plus violent le 10 octobre 1980 La vallée de Chéliff n’avait pas encore essuyé les larmes causées par le séisme de 1954 et les dégâts humains de la guerre de libération nationale avant qu’elle subisse un deuxième séisme, mais cette fois-ci plus violent. Le 10 octobre1980 soit, 26 ans, un mois et 1 jour après le dernier séisme, les plaques tectoniques ont à nouveau bougé mais avec une magnitude plus élevée. La région d’El-Asnam fut dévastée par un violent séisme. Ce séisme qui se produisit un vendredi à 13h29 mn plongea toute une région dans l’horreur. 2 630 personnes périrent et des milliers de logements furent détruits. Les effets du séisme se firent ressentir sur une vaste superficie du territoire allant de la région centre à la région ouest du pays. Dans la région épicentrale, la ville de Chleff fut durement touchée et de nombreuses communes de la wilaya furent touchées (Oued Fodda, El Atteuf, Sandjas…). La sismicité de la région de Cheliff s’explique par le fait qu’elle se situe au niveau de la région nord algérienne qui se déforme peu à peu en raison de la convergence des deux plaques tectoniques africaine et eurasiatique. Cette convergence entraîne peu à peu la fermeture des bassins maures algériens. Le séisme a été provoqué par la rupture de la faille de Oued Fodda s’étalant sur près de 40 km dans une direction NE-SW. Son mécanisme focal en compression résulte ainsi du rejeu d’une faille inverse qui s’est exprimé en surface avec des rejeux de près de 1 mètre. Sur la partie sommitale de l’anticlinal, le séisme a conduit en rejeu de failles en extrados s’exprimant avec des rejets de près de 6 mètres. Le séisme a eu de nombreux effets induits : Des phénomènes de liquéfaction ont été observés à différents endroits de la région épicentrale. Un méga phénomène d’inondation a été observé dans la plaine de Chettia où le soulèvement de la faille a formé une muraille empêchant l’écoulement de l’Oued Ech-Cheliff. L’activité post-sismique a été intense puisque des milliers de répliques ont été enregistrées et ce, pendant près de trois années. Le séisme restera comme étant l’un des plus violents qu’a connu la région ouest méditerranéenne. 10 octobre 1980. Ce vendredi restera longtemps inscrit dans la mémoire des Asnamis en souvenir de ce terrible tremblement de terre qui avait ébranlé toute la région de la plaine du Cheliff. D’une force inouïe, 7,2 sur l’échelle de Richter, le séisme et une violente réplique trois heures plus tard font 2 633 morts, des milliers de blessés, de disparus et de sans-abris sur une population de 120 000 habitants. La ville offre une vision apocalyptique : un tiers des bâtiments ne sont plus que gravats. Les destructions sont telles qu’El-Asnam – ou plutôt ce qui en reste- se retrouve quasi déconnectée du reste du pays : liaisons téléphoniques, électricité et gaz sont coupés pendant dix jours. La ligne ferroviaire entre Alger et El-Asnam est hors d’usage. Des failles fracturent les routes. Depuis l’épicentre, à Beni Rached, la terre a tremblé dans un rayon de plus de 300 km, jusqu’à Alger, Oran, Tiaret. Et les répliques se sont succédé, entretenant la peur qu’une secousse plus forte encore ne vienne engloutir la ville et ses habitants. Paniqués, les survivants prennent la fuite. Le bâti ancien, peu élevé – un à deux étages -, a le mieux résisté. Des immeubles récents, vieux d’à peine deux ou trois ans, ne subsistent que des pans de murs troués. Mairie, écoles, mosquées, hôtels, pylônes électriques, tout est à terre. L’hôpital lui-même est en ruine, et c’est vers Alger et Oran, à équidistance d’El-Asnam (210 et 220 km), que sont évacués les blessés. Une solidarité extraordinaire s’était installée au profit de ceux qui étaient sous les décombres et qu’il fallait faire vite pour les sortir vivants, se remémorent ceux qui ont vécu l’événement. Le séisme d’El-Asnam venait d’endeuiller des milliers de familles. Le séisme a changé même l’appellation de la ville La vallée de Chéliff qui s’appelait, à l’époque, El-Asnam, un mot arabe signifiant «les statues» ou «les idoles». Cette appellation tire son origine des statues romaines découvertes dans la région plus précisément à Carténa (Ténès). El-Asnam, une appellation jugée «païenne», une appellation synonyme du mauvais «sort». Pour conjurer ce dernier, le président de la République, feu Chadli Bendjedid l’a rebaptisée Chlef en référence au nom de l’Oued qui traverse la ville et la coupe en deux parties sud et nord. Ils sont encore sinistres après 34 ans Vu le grand nombre de sans-abris que comptait la ville sinistre, l’Etat algérien était contraint de les reloger en un temps record en s’aidant par les Européens pour construire près de 20 000 chalets à travers 7 communes. La majorité de ces chalets se trouvent dans les communes de Chlef et Chettia. Des chalets préfabriqués censés leur servir d’hébergement provisoire. Mais la situation perdure jusqu’à l’écriture de ces lignes où on recense plus de 16 000 chalets qui n’ont pas encore été remplacés. Ce que l’on peut retenir en ce 34e anniversaire du séisme d’El-Asnam, c’est que trois décennies plus tard, les «sinistrés du séisme» habitent toujours dans des chalets que les Chélifiens appellent les «baraques». Les années se suivent et se ressemblent pour les sinistrés du séisme d’El-Asnam (l’actuelle Chlef). En effet, le 34e anniversaire de cette catastrophe, qui a été commémorée avant-hier samedi, n’a rien apporté de nouveau pour les 18 133 familles des habitations en préfabriqué réalisées autour de l’ancien tissu urbain.
24 décembre 2014
NOUVELLE REPUBLIQUE (LA )